« L’entrée de la Lituanie dans la famille de l’euro est non seulement un événement crucial pour ce pays partenaire mais c’est également un événement de première importance pour toute l’eurozone » a déclaré Sandro Gozy, Secrétaire d’État italien aux Affaires européennes, suite à la décision du Conseil Affaires générales, le 23 juillet dernier, d’autoriser la Lituanie à adopter l’euro au 1er janvier 2015. « C’est une démonstration de l’attractivité du projet de monnaie unique et de sa pertinence pour l’avenir de notre communauté » a-t-il poursuivi.
Et, de fait, cette nouvelle adhésion est saluée comme un succès tant de la zone euro que de la Lituanie par les contributeurs au débat européen. « Les efforts constants de la Lituanie ont été récompensés : aujourd’hui, la zone euro nous ouvre ses portes » s’est félicité Algirdas Butkevičius, Premier ministre lituanien.
Le déficit de l’État balte a, ainsi, été ramené en dessous du seuil de trois pour cent fixé par les critères de Maastricht, passant de 3,3 pour cent en 2008 à 2,15 pour cent en 2013. La dette de la Lituanie est, quant à elle, largement inférieure au plafond autorisé (60 pour cent), se fixant à 39,4 pour cent du PIB. « Cette économie balte robuste, au sortir de la crise financière, a réussi une transition remarquable vers la croissance et la Lituanie se sent désormais suffisamment confiante pour réaliser son projet longuement mûri d’adhérer à l’euro » constate Guy Verhofstadt, le Président de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE). Les deux autres États baltes, l’Estonie et la Lettonie sont déjà membres de la zone euro, à laquelle ils ont adhéré, respectivement, en 2011 et 2014.
Si l’attractivité de l’euro semble confirmée par cette nouvelle adhésion, la question de la gouvernance d’une zone monétaire qui s’élargit reste posée. « Avec l’entrée de la Lituanie dans la zone euro, l’Union européenne doit plus que jamais maintenir son orientation en faveur d’une amélioration de la gouvernance de l’euro » poursuit Guy Verhofstadt. Silvia Merler, chercheuse associée au Think Tank Bruegel estime elle aussi que « L’élargissement pose des problèmes potentiels de gouvernance ». La Banque Centrale Européenne (BCE) poursuit, en effet, le double objectif de maintenir la stabilité des prix et d’apporter son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union. Or, les stratégies de politique économique peuvent varier considérablement d’un État membre de la zone euro à un autre et le risque de divergences s’accroit à mesure que la zone s’agrandie.
Un nouveau système de vote par rotation devrait entrer en vigueur suite à l’adoption de l’euro par la Lituanie en janvier 2015. « L’objectif du nouveau système serait d’assurer que l’effectivité de la gouvernance soit préservée même si le nombre d’États membres augmente » explique Silvia Merler. Les modalités d’un tel vote ont actuellement cours à la Banque centrale américaine, la FED. « Avec l’accession de la Lituanie ce système deviendra obligatoire. En effet, le statut de la BCE prévoyait la mise en place d’un système de vote par rotation dès l’accès du 16ème membre de la zone euro, mais la BCE a décidé de retarder le changement du système de vote jusqu’à l’adhésion du 19ème membre » poursuit la chercheuse.
Actuellement, chaque gouverneur, au nombre de un par État membre, dispose d’une voix dans le cadre du processus décisionnel de la BCE où toutes les décisions sont prises à la majorité simple. « Avec le nouveau régime, les gouverneurs disposant du droit de vote vont alterner chaque mois, car le nombre total de votes sera limité à quinze plus six membres du comité exécutif de la BCE qui auront un droit de vote permanent. Le droit de vote ne sera donc plus cent pour cent indépendant de la taille économique de chaque pays » analyse Silvia Merler. De fait, même si tous les gouverneurs prendront part aux discussions préliminaires, les cinq pays les plus puissants économiquement de la zone euro l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas verront leur poids relatif maintenu tandis que les plus petits États, dont le Luxembourg, pourraient perdre de leur influence. En effet, les cinq premier se partageront quatre voix. Il en résulte que l’un d’eux serait privé de vote lors d’une réunion mensuelle sur cinq, alors que les quatorze autres pays devront se partager onze voix, ce qui réduit davantage leur participation.
« Le système sera utile pour gérer la complexité liée à l’élargissement de la zone euro au niveau BCE, mais la BCE n’est pas la seule institution dont la gouvernance va être compliquée à la suite de ces élargissements » estime Silvia Merler. Et, pour l’instant, aucun changement de taille ne semble poindre à l’horizon pour la gestion d’une zone euro qui grandit et rassemble bientôt 19 pays aux politiques économiques différentes.