Alors que le Parlement européen débute aujourd’hui sa pause estivale, les négociations autour des postes de commissaires européens, haut représentant, président du Conseil et président de l’Eurogroupe vont continuer à s’intensifier durant l’été. Le Conseil européen du 16 juillet n’a, en effet, pas permis de trancher sur la répartition des postes de haut représentant et de président du Conseil, faute de consensus. Les États membres, représentants des pays de l’Europe de l’Est en tête, ont estimé que les désignations ne pourraient avoir lieu que lorsqu’ils auraient une vue globale sur la composition de la future Commission. La décision a donc été reportée à un sommet extraordinaire, le 30 août.
« Chaque pays devrait donner le nom de son commissaire avant la fin du mois » a expliqué François Hollande, le Président français, lors d’une conférence de presse à l’issue du dernier Conseil européen. Le calendrier est donc serré car les auditions des commissaires au Parlement européen devraient avoir lieu dès septembre. Or, si la nomination des remplaçants de Catherine Ashton et Hermann Von Rompuy repose sur la garantie des grands équilibres européens, notamment politiques (entre les conservateurs du PPE et les sociaux-démocrates) et géographiques (entre l’Est et l’Ouest), l’équation devant laquelle est placé Jean-Claude Juncker pour établir le collège exécutif européen tient, elle aussi, du casse-tête.
En effet, le président fraichement investi de la Commission a des marges de manœuvre limitées. Selon l’article 17-7 du traité de l’Union européenne, c’est le « Conseil européen », qui décide de la composition de l’exécutif européen « d’un commun accord avec le président élu » de la Commission. De fait, la liberté de décision de Jean-Claude Juncker est fortement conditionnée à l’obtention d’un compromis avec le Conseil, cela d’autant plus qu’il dépend des candidats désignés par les Etats membres.
Ceux-ci reprennent donc la main, notamment vis-à-vis du Parlement qui était parvenu à peser pour la désignation de Jean-Claude Juncker. Certes, l’assemblée élue conserve la possibilité d’approuver ou non le collège de la Commission dans son ensemble mais c’est un vote global sur une équipe et les parlementaires ne peuvent rejeter un membre ou un autre individuellement. Or, il est peu probable que le Parlement affaiblisse le nouveau président de la Commission qu’il a soutenu en rejetant le collège qui sera le fruit d’une longue négociation.
Jean-Claude Juncker a cependant un cheval de bataille : la parité homme/femme. Lors d’un discours devant le groupe Socialistes et démocrates (S&D) du Parlement européen le 8 juillet, il a notamment déclaré qu’« il se battra pour une forte représentation des femmes dans la Commission ». Jean-Claude Juncker a promis de récompenser les gouvernements nationaux qui proposeraient des femmes par un portefeuille important ou une vice-présidence. Les commissaires sortantes ont soutenu cette démarche par une lettre ouverte demandant à M. Juncker de nommer « au moins dix femmes » dans son équipe. « L’Union européenne s’est engagée à faire des progrès en matière d’égalité des sexes. Cela passe par une augmentation, non une diminution, du nombre de commissaires femmes », soulignent les signataires. Ce combat est loin d’être gagné.
Parmi les premiers candidats officiellement désignés par leur gouvernement national, on ne compte que des hommes. Certain d’entre eux sont des commissaires sortants : l’Allemand Günther Oettinger, le Roumain Dacian Cioloș, l’Autrichien Johannes Hahn, le Croate Neven Mimica, le Slovaque Maroš Šefcovic. D’autres feront leur entrée à Bruxelles : Jonathan Hill membre de la chambre des Lords britannique, Jyrki Katainen ancien premier ministre finlandais, Phil Hogan ministre de l’Environnement irlandais, Vytenis Andriukaitis ministre lituanien de la Santé, Valdis Dombrovskis ancien premier ministre letton, Andrus Ansip ancien premier ministre estonien et Karmenu Vella ministre du Tourisme maltais.
La pression est donc forte pour que les autres États désignent des femmes comme candidates. En Italie, c’est la ministre des Affaires étrangères, Federica Mogherini, qui est pressentie. La commissaire sortante en charge de l’aide humanitaire, Kristalina Georgieva pourrait de nouveau représenter la Bulgarie. En France, Pierre Moscovici, ancien ministre des Finances, semble le mieux positionné mais pourrait céder sa place à l’ancienne ministre Élisabeth Guigou. Radoslaw Sikorski, ministre des Affaires étrangères, fait quant à lui figure de favori en Pologne.
Parmi les postes à pourvoir, certains suscitent des convoitises particulièrement fortes. C’est le cas, notamment, du portefeuille des affaires économiques et monétaires. Le Français Pierre Moscovici s’y porte candidat mais ce choix n’est pas du goût d’Angela Merkel. Si Paris renonce à ce poste, un autre social-démocrate, le Néérlandais Dijsselbloem qui préside l’Eurogroupe pourrait rejoindre cette fonction. Bien que Jean-Claude Juncker ait promis ce portefeuille à un social-démocrate, les noms du Finlandais Jyrki Katainen et de l’Espagnol Luis de Guindo circulent également. Ce dernier est également évoqué pour prendre la présidence permanente de l’Eurogroupe.
Le nom le plus cité pour le poste de Haut représentant est celui de l’Italienne Federica Mogherini mais sa désignation ne plait guère en Europe centrale où elle est jugé trop proche de Moscou. La Française Élisabeth Guigou, si elle est portée candidate par Paris, pourrait également convoiter cette fonction. Ces deux hypothèses sont en accord avec le souhait de la chancelière allemande de remplacer Catherine Ashton par un social-démocrate. Pour la présidence du Conseil, le jeu est, ici encore, des plus incertains. La première ministre danoise Helle Thorning-Schmidt est donnée favorite mais ce poste pourrait être demandé par l’Italie en compensation si Caterina Mogherini se voyait refuser la fonction de haut-représentante.