« Vous êtes le premier Parlement à élire le président de la Commission », a déclaré mardi 15 juillet Jean-Claude Juncker, lors du débat final avec les chefs de file des groupes politiques, avant le vote en plénière sur son élection. Et ce qui a emporté largement la décision des eurodéputés, c’est le discours-programme de l’ancien Premier ministre luxembourgeois. Des orientations politiques taillées sur mesure pour séduire sa majorité parlementaire et où figurent en bonne place l’énergie et la croissance verte.
« Ma première priorité, en tant que président de la Commission, sera de renforcer la compétitivité de l’Europe et de stimuler l’investissement pour créer des emplois ». Pour ce faire, Jean-Claude Juncker propose de « mobiliser jusqu’à 300 milliards d’euros supplémentaires d’investissements publics et privés dans l’économie réelle au cours des trois prochaines années ». Pour le nouveau président de la Commission, ces investissements seront en grande partie tournés vers les réseaux d’énergie, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. « Je crois fermement aux possibilités offertes par la croissance verte » affirme-t-il dans son programme pour l’emploi, la croissance, l’équité et le changement climatique.
Cette volonté politique, les eurodéputés veulent y croire. C’est notamment le cas du député vert luxembourgeois Claude Turmes qui a voté en faveur de l’élection de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne. « Jean-Claude Juncker n’a pas été très sensible aux questions environnementales et énergétiques ces dernières années au Luxembourg mais il veut une Europe politique forte et il semble comprendre les enjeux géopolitiques et économiques de l’énergie », estime le député européen. La commissaire sortante au climat, Connie Hedegaard, s’est, elle aussi, félicitée sur son compte twitter des engagements de M. Juncker, notamment en matière d’efficacité énergétique.
L’eurodéputé Claude Turmes reste cependant prudent. « C’est un dossier qu’il n’a pas creusé personnellement. Il sera donc très dépendant des personnes qui en seront en charge » estime-t-il. L’attribution des portefeuilles de l’énergie, du changement climatique, de l’environnement ou encore de l’industrie à la Commission européenne sera donc stratégique. De même, la composition du cabinet du nouveau président de la Commission sera décisive en la matière.
Jean-Claude Juncker fixe des objectifs clairs en terme de développement des énergies renouvelables pour lesquelles il souhaite que l’Union européenne devienne « le numéro un mondial ». De même, sa volonté d’investir dans les réseaux européens et donc les interconnections est affirmée. Cependant, d’autres points nécessitent, quant à eux, quelques éclaircissements. Le cap qu’il souhaite suivre en matière d’efficacité énergétique, notamment, n’est pas limpide. Si dans son discours devant le Parlement européen le président de la Commission s’est prononcé en faveur d’un objectif contraignant d’au moins trente pour cent à l’horizon 2030, il reprend à son compte dans la version écrite de ses orientations politiques l’objectif de « contenir l’élévation de la température sous la barre des deux degrés Celsius par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle » qui pourrait mener l’effort de gain d’efficacité énergétique jusqu’à 35 à 40 pour cent.
L’engagement de Jean-Claude Juncker en faveur d’une « nouvelle Union européenne de l’énergie » soulève également des interrogations. Claude Turmes relève que « derrière ce titre, il y a un papier du gouvernement polonais qui demande notamment plus de subventions pour le charbon, le pétrole et le gaz et qui entre donc en contradiction avec la politique climatique de l’Union européenne. Cela d’autant plus que cette note plaide pour une politique de l’énergie plus intergouvernementale et moins communautaire ». Pour le député européen, le président de la Commission doit donc clarifier son propos. « Il faut que Jean-Claude Juncker explique s’il reprend juste le titre ou s’il retient d’autres propos de ce papier ». Quelques zones d’ombre demeurent donc encore mais le nouveau président de la Commission fait une entrée volontariste dans le dossier de l’énergie.