CD in case of reality de Zap Zoo

En train en troisième classe

d'Lëtzebuerger Land vom 21.02.2002

d'Lëtzebuerger Land: Après Blue Screw, Battaklang et Taboola rasa, voici Zap Zoo… chacune de tes formations a produit un seul CD puis vous vous êtes séparés. Pourquoi ce besoin de toujours fonder de nouveaux groupes, qui, il est vrai, sont aussi très différents de part leur style ? Serait-ce un concept fondateur ?

Serge Tonnar: C'est vrai que j'ai toujours envie de changer de style, de faire autre chose, mais la formation puis séparation de groupes n'est pas pour autant un concept. Je crois que chacun de ces groupes était différent, tout comme l'étaient les raisons de leur séparation: Blue Screw était un véritable groupe de rock, nous nous sommes formés au lycée et avons joué pendant cinq ans avant de produire notre premier disque. Mais lorsque les gens sont partis à l'université, chacun dans une autre ville, nous n'avons plus pu continuer, c'était la force des choses. 

Taboola rasa par contre n'était jamais pensé pour durer, nous avons toujours appelé cela un «projet», nous avions envie de travailler avec Thierry van Werveke, avons produit un disque et donné quelques concerts, mais il n'était jamais prévu que cette association momentanée dure au-delà. Et Battaklang. . .  c'était un genre très spécial, le rap en luxembourgeois, nous ne voulions pas continuer à faire cela. . .  Puis il y a eu des divergences au sein du groupe aussi. 

Zap Zoo par contre est conçu comme un véritable groupe, qui doit s'inscrire dans la durée. Après Taboola rasa, j'avais envie d'une nouvelle formation, mais ce n'est pas si facile lorsqu'on vieillit. Nous avions fait une première tentative avec d'autres gens, mais avec ce groupe-là, nous ne sommes jamais sortis de la salle de répétitions, nous avons enchaîné les improvisations. Je crois que Zap Zoo est un mélange des deux approches, le live et le studio. J'ai eu une période très créative il y a un an à peu près, période durant laquelle j'ai écrit beaucoup de chansons, je crois qu'il y en avait plus d'une vingtaine. Ce n'est qu'après cela que nous avons formé le groupe, donc nous avions un fonds de chansons, nous pouvions tout de suite commencer à travailler. Bien sûr, chaque membre du groupe a ensuite apporté sa propre influence, mais nous ne travaillions plus dans le vide. Nous avons assez vite pu penser à produire un CD, et avons décidé de n'organiser notre premier concert qu'une fois le disque sorti.

Mike Tock: Pour moi, Zap Zoo est un groupe de cinq personnes qui ont une grande expérience en musique, qui font cela depuis des années. Pour cela, je crois que c'est un groupe extrêmement riche, nous avons tous aujourd'hui assez de maturité pour prendre une certaine distance par rapport à notre propre musique.

Serge, tu n'es pas seulement le chanteur, guitariste et frontman de Zap Zoo, mais aussi l'auteur et compositeur des chansons. Lequel est l'aspect le plus important pour toi ? 

Serge Tonnar: Aucun. J'ai toujours aimé écrire des chansons et j'aime autant les interpréter. Pour moi, la musique est l'expression artistique la plus riche, celle qui a le plus de facettes. Il y a une phase créative, d'écriture - comme la littérature -, puis une phase de production, lorsqu'on enregistre un CD - comme le cinéma ou les arts plastiques -, et il y a un aspect de live, d'improvisation et d'interprétation durant un concert - cet éphémère que l'on retrouve par exemple au théâtre. . . 

Justement: tu es non seulement musicien, mais tu t'es aussi essayé à plein d'autres formes d'expression: tu es acteur de théâtre et de cinéma, as composé la musique de théâtre et de films - le dernier en date étant Le club des chômeurs d'Andy Bausch - tu étais animateur radio et es resté l'habilleur d'antenne de la Radio socioculturelle. . .  Je trouve que ces différentes expériences enrichissent ta musique, qui en est fortement marquée sur ce disque - il y a même des extraits d'une pièce de Jean-Paul Maes dans «April» - que les pratiques du montage, comme à la radio, du collage et du «sampling» ouvrent d'autres voies dans ce blues-rock somme toute assez classique. . . 

Serge Tonnar: C'est vrai, même si, moi-même, je ne m'en étais pas vraiment rendu compte. C'est la première fois que j'ai réalisé toutes les phases d'un disque, de l'écriture, en passant par l'interprétation jusqu'à l'enregistrement et le mixage. À part quelques plages de percussion, que nous avons enregistrées avec Mike dans un studio professionnel, nous avons tout enregistré chez moi, les équipements techniques sont aujourd'hui assez abordables. Mais c'est un travail énorme car en fait, on n'arrête jamais de bidouiller sur les différents morceaux. Et les autres membres du groupe ont pensé dans la même direction, nous avons beaucoup discuté de ce que nous voulions, nous n'avons pas arrêté de peaufiner nos chansons. Mais à un moment donné, il faut arrêter et lancer la production du disque. Pour pouvoir avancer aussi. 

Avec ses nombreux collages et montages, le disque sonne comme un véritable disque de studio, comment allez-vous faire en concert ? 

Serge Tonnar: Ce sont deux choses complètement différentes, le studio et le live. Nous allons essayer de transposer un certain nombre de samplings sur scène, nous nous sommes équipés pour cela, mais en de petites doses. . . 

Mike Tock: . . . et puis il y a des choses sur le CD que nous n'allons pas jouer sur scène et il y aura des morceaux sur scène qui ne sont pas sur le disque.

In case of reality sent Neal Young, l'Amérique, le blues-rock classique, il sent la guitare et comme une nostalgie du bon vieux songwriting. Est-ce une réaction aux tendances des musiques actuelles comme la techno, la house, le rap ou le hiphop ? 

Serge Tonnar: Non, je ne crois pas que ce soit une «réaction». Moi, pendant deux ans, je n'ai travaillé que sur commande, pour le cinéma, le théâtre, pour d'autres. Et pourtant, j'y ai investi toute ma créativité. Alors ces chansons-ci se sont faites ainsi, tout naturellement. Bien sûr, il y a de nombreuses influences, nous sommes tous des gens qui écoutons beaucoup de musique, donc nous sommes forcément influencés. Mais pour notre disque, nous voulions garder un feeling assez brut, nous avons beaucoup expérimenté avec différents sons et ambiances pour obtenir ce sentiment que nous recherchions.

Mike Tock: Et puis, de toute façon, la bonne techno et le drum'n'bass par exemple viennent du rock. De plus en plus de groupes de rock utilisent le sampling aujourd'hui, je pense à des gens comme Radiohead ou dEUS. Le plus intéressant en ce moment, c'est de mélanger l'électronique et l'acoustique. 

Serge Tonnar: Pour moi, il n'y a pas de «styles», il n'y a que de la musique. De la bonne et de la mauvaise, je trouve qu'il faudrait arrêter ces classifications et ces «labels» et tout mélanger.

Zap Zoo est à nouveau beaucoup plus calme, plus «space» que Battaklang ou même Taboola rasa, moins revendicatif aussi. Et c'est un disque en anglais et en français, le luxembourgeois a disparu. Quand est-ce que tu utilises quelle langue ? 

Serge Tonnar: Battaklang était un cri de révolte, mais j'ai été très déçu de constater que les gens ne voulaient pas qu'on leur dise ces choses dans leur langue, en luxembourgeois. C'est là aussi que j'ai senti qu'il est extrêmement difficile d'écrire une bonne chanson en luxembourgeois. En fait, la langue s'impose tout naturellement lorsque je suis en train d'écrire un texte, j'écris la musique et le texte simultanément, la langue me vient alors tout naturellement aussi. L'anglais et le français me semblaient évidents pour ce que j'avais à dire. 

Mike Tock: À mon avis, c'est aussi une question de conventions: l'anglais est tout simplement la langue internationale du rock.

En fait, malgré les nombreuses créations et séparations de groupes, vous êtes extrêmement fidèles: on retrouve dans Zap Zoo des musiciens rodés avec lesquels vous avez souvent travaillé dans d'autres projets, comme Marc Faber, Jorsch Kass ou Laurent Hoffmann. . .

Serge Tonnar: Pour moi, le plus important était de trouver des gens qui puissent fonctionner ensemble pour que l'ambiance soit bonne, car Zap Zoo doit durer. Donc j'ai demandé à ces gens-là s'ils voulaient faire partie du groupe et ils étaient d'accord. Même si j'avais déjà préparé une maquette pour leur faire écouter le genre de musique que j'avais envie de faire, la version finale a été produite en commun. 

Mike Tock: Lorsque Serge m'a demandé de participer, je croyais que cela allait rester un de ses projets ponctuels et j'ai accepté parce que cela m'arrangeait, j'avais déjà deux autres groupes. Mais depuis, ces deux groupes se sont séparés et finalement, je suis content que Zap Zoo soit devenu un véritable groupe avec CD, concert et tout. 

Le titre de cet article est la définition que Mike Tock donne de «l'ambiance Zap Zoo». Zap Zoo, c'est: Serge Tonnar, Marc Faber, Laurent Hoffmann, Jorsch Kass et Mike Tock. Le disque in case of reality est produit par l'asbl Maskénada et sera en vente dès le 9 mars. Pour plus d'informations: www.zapzoo.net. 

josée hansen
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