Dès les premières lignes d’Été de Tom Reisen, il est clair que le lecteur se trouve devant un livre d’une beauté rare. Tom Reisen n’est pas un chercheur de mots, au contraire, la poésie a lieu dès que sa plume répand son encre sur la feuille. Ainsi, Été n’est pas un de ces livres qui s’interrogent stérilement sur les moyens et les possibilités de la littérature, car l’écriture chez Tom Reisen est un désir, et même un désir de désir.
Le désir et l’expérience sont les prémices de la quête, ils naissent sous la plume, ils doivent être mis en langage pour prétendre à une quelconque existence. Mais faire coïncider désir et écriture n’est pas une mince affaire. Été constitue un témoignage poignant de cette recherche qui est le point de départ de toute poésie. Cette quête correspond à une situation dans l’espace et le temps. Dans un espace précis parsemé de taches de rêve et de souvenir et un temps dans lequel le futur cesse de s’abolir dans le passé, un présent intense donc, « l’intersection de l’ordonnée. »
L’été est une image d’un calme absolu et d’une solitude profonde, « un saison vacante : lumière qui tombe perpendiculaire et ramasse les choses dans leur unité. Saison lucide, cénobitique, sans ombres et sans conforts. La vérité est dans le Sud. »
L’analogie entre la lumière et la vérité est vieille comme le monde, mais Tom Reisen n’est pas un idéaliste qui s ’abîme dans la quête d’un absolu inatteignable. La vérité c’est la quête, le voyage. Une recherche continue dont le voyage devient l’image de prédilection. Une invitation au voyage à chaque fois renouvelée par le désir qui fait miroiter son charme captieux à un point indéterminé de l’horizon, parce que « le désir est un leurre ainsi que son apaisement. »
Cette pensée lucide est la pierre d’achoppement. En effet, si la recherche s’y arrête, la poésie n’aura pas lieu : « Il faut un entêtement singulier pour ne pas voir que le Livre dans sa vérité n’est que le récit de sa pénurie. Sa beauté même n’est que quasi stérilité et sécheresse. Tout le contraire d’une terre prodigue, ce sont les cultures gagnées sur le désert. Les alluvions et les progénitures ici tiennent du miracle. » Ce miracle qui naît de la misère, c’est la poésie et Été en est la preuve irréfutable.
Les illustrations de Thomas Diot accompagnent magnifiquement le texte. Ce sont des brûlures et des fulgurations en rouge et jaune qui harmonisent avec les paroles ignifères de Tom Reisen. Les couleurs s’estompent face à la vérité cruelle qui anime le poète mais elles deviennent vigoureuses quand le souffle de la parole est en diapason avec l’instant même où le texte ouvre une brèche dans le temps qui réduit tout à l’absurde. La peinture et la poésie se complètent et s’amplifient, comme les voix dans une fugue qui s’élève en spirale tel un orage d’été.