Sous la houlette d’un médiateur passionné, Yohan, nous nous sommes laissés embarquer à la découverte de deux expositions labellisées Esch2022 à Belval : Respire, pour un design climatique (jusqu’au 29 septembre) et Earthbound - En dialogue avec la nature (qui vient de se terminer). Les deux font écho aux préoccupations environnementales et nouent des fils dans les entrelacs de l’art et de la science.
Le parcours démarre à la Massenoire avec Respire, pour un design climatique, intéressante proposition du DMLab (Laboratoire du Design des milieux) de l’Ensad (Ecole nationale supérieure d’art et de design) de Nancy qui l’a mise sur pied avec Esch2022. D’emblée, le titre interroge. Le design climatique, quèsaco ? Un nouveau champ du design qui « prend en compte la matérialité de nos contextes de vie et les phénomènes atmosphériques dans la conception des objets et des espaces » dans le but de « retrouver des conditions naturelles garantes d’une relation symbiotique entre tous les êtres vivants et le monde ».
Concrètement, l’expo, entre rappel historique, données scientifiques et expériences sensibles, envisage la respiration comme point d’ancrage d’une « nouvelle manière d’être et de faire ». Elle s’articule en trois grands thèmes : la respiration dans notre cadre quotidien (ces quinze mètres cubes que nous respirons chaque jour), les mesures de la qualité de l’air au fil du temps (avec frise chronologique du 19e siècle à nos jours) et les nouveaux matériaux bio-sourcés tricotés par de jeunes designers. Didactique et pédagogique mais aussi ludique et interactive, Respire mêle sondages et enquêtes, notamment dans le milieu du travail (on analyse l’air respiré par un boulanger ou un DJ), panneaux et courbes, jeux et visionneuses.
À voir aussi la « moulothèque » virtuelle qui lie designers, artistes et vanniers ainsi que tables et étagères avec objets en osier – certains insolites comme les vertigineuses chaussures à talons – et ensemble de cordes, fils et laines de chanvre, bio-matériau phare de nos régions. À tout moment, nous sommes invités à participer, en devenant notamment smart citizen pour évaluer en temps réel la qualité de l’air dans la ville de notre choix. Finalement, des panneaux revendicatifs rappellent la salutaire action communautaire des étudiants de Nancy pour alerter sur la pollution de l’air.
À quelques mètres de là, nous rejoignons la Möllerei pour la spectaculaire, immersive et visionnaire expo Earthbound - En dialogue avec la nature, produite par la Maison des Arts Electroniques (HEK) de Bâle. À l’heure du changement climatique et de ses phénomènes extrêmes et alors que les activités humaines continuent de toucher gravement l’environnement, Earthbound veut à travers la technologie interroger nos liens avec la nature et montrer la nécessité d’en inventer de nouveaux pour vivre ensemble harmonieusement et durablement. L’expo s’offre en 19 œuvres plurielles (installation multimédia, vidéo, réalité virtuelle…) d’artistes pluridisciplinaires (certains aussi ingénieurs) qui font appel aux arts numériques et à la science.
Dès l’entrée dans le gigantesque hall de stockage industriel, l’impressionnante peinture numérique Quantum Memories – Probability – Square de l’artiste turc installé à Los Angeles Refik Anadol (dont une œuvre est actuellement exposée au Centre Pompidou-Metz) surprend. Devant nous défilent d’infinis paysages abstraits, en perpétuelle transformation, générés par l’intelligence artificielle à partir de centaines de millions d’images. Une réflexion sur la mémoire de la nature qu’on retrouve aussi dans l’installation vidéo Floralia I – IV de la Canadienne Sabrina Ratté qui présente des plantes disparues, mais conservées dans des archives numériques.
Au fil du parcours, d’autres expériences saisissantes nous attendent. C’est le cas avec The Intimate Earthquake Archive de Sissel Marie Tonn et Jonathan Reus, artistes basés aux Pays-Bas. Parés d’un gilet muni de capteurs, nous ressentons physiquement les secousses de séismes passés, provoqués par l’humain et liés à des forages de gaz. Quant à la sensible Atmospheric Forest du couple d’artistes et chercheurs lettons Rasa Smite et Raitis Smits, elle invite à s’immerger dans une forêt pour appréhender les échanges invisibles des arbres et comprendre comment le changement climatique agit négativement sur ces échanges et touche gravement tout un écosystème. De la forêt à l’océan, il y a un autre voyage à imaginer pour arriver à la « maison cinétique » Korallysis de l’artiste mexicain Gilberto Esparza qui sensibilise et lutte contre la destruction des récifs coralliens en redonnant vie à ceux qui ont été abîmés.
À découvrir aussi l’intéressant Deep Swamp de l’artiste numérique et ingénieure australienne Tega Brain qui a recréé trois marais miniatures identiques dans trois aquariums. Ils évoluent différemment au fil des jours alors que chacun est sous l’influence d’une intelligence artificielle (aux objectifs spécifiques) qui intervient sur ses conditions de vie. Affaire à suivre, les résultats seront publiés à la fin de cette étonnante expo aux ramifications multiples.