Pris dans un tourbillon de violences akunstmusikFilm

d'Lëtzebuerger Land du 21.02.2025

Vandalium, récompensé du prix Edmond Dune 2022, montre l’histoire d’un jeune délinquant qui tente à plusieurs reprises, mais sans y parvenir, de fuir son milieu déstabilisant. Son vécu alterne avec ses fantasmes, parfois d’une extrême violence. L’auteur Tullio Forgiarini, qui écrit des romans, des pièces de théâtre, des livres pour enfants en plusieurs langues, s’est déjà intéressé dans son roman Amok (2011) au sujet de la violence de certains jeunes au Luxembourg. Des années plus tard, il revient au sujet de ceux qui vivent au bord de la société luxembourgeoise, en montrant avec une écriture précise, incisive, leur chemin aride qui dérape au fil des expériences.

Dans Vandalium Jason, un enfant doué, avec de bons résultats scolaires, cherche à plusieurs reprises à fuir son milieu familial traumatisant : un père alcoolique et violent qui bat sa femme (elle a quitté entretemps sa famille) et abuse de sa fille, placée dans un foyer. Pour que le jeune Jason se sente moins seul, l’auteur a recours à des procédés surnaturels, en imaginant à ses côtés une présence, une mystérieuse fée bleue, une confidente, une amie qui partage avec lui plusieurs épisodes ; à la réalité Jason mêle des fantasmes, souvent très violents. Pourtant, la fée sait aussi le confronter avec fermeté à ses actes de violence. Finalement, face à l’absence de perspective, il réussit à prendre le large avec sa sœur. Maintenant, à ses yeux, il est quelqu’un, on parle de lui. Rapidement il mène une vie de drogué, de fugueur jusqu’à l’épuisement et l’irrémédiable.

La course éperdue est esquissée grâce au jeu très convaincant des comédiens Anne Brionne et Sullivan Da Silva et à la mise en scène déterminée de Daliah Kentges, qui joue avec les frontières entre réalité et fantasmes. « La mise en scène aspire à refléter la brutalité, l’ambivalence et le radicalisme du texte. Elle se veut imprévisible, jouant avec les frontières entre réalités et fantaisie pour explorer les peurs, les désirs, la colère et le désespoir des personnages. » Le spectateur hésite parfois entre ce qui s’est passé réellement et ce qui relève de l’irréel. Le beau jeu de lumières, très varié, signé Antoine Colla, sert de repère et la création musicale de Luka Tonnar fait davantage résonner le jeu scénique. Ainsi on sent mieux le désarroi voire le désespoir des personnages.

Frappante est la comparaison entre la première et la dernière scène du spectacle : au début, les paroles apaisantes de la fée bleue à Jason qui vient de pointer son nez d’un lit douillet sur fond de berceuse et la dernière qui le montre, à 17 ans, seul, dans l’environnement froid d’une pièce dénudée, plongée dans une lumière crue, face à une réalité accablante qu’il n’arrive pas à réaliser et qu’il nie donc.

Le public suit avec intérêt le vécu de Jason – Sullivan Da Silva montre ses peurs et sa colère à travers sa mimique et son corps de façon subtile – et de la Fée bleue – Anne Brionne sait adapter son jeu à ses divers rôles et reste à côté de Jason, partage ses émotions et s’associe à ses fantasmes ; même lors de la dernière scène, elle lui recolle son pansement sur le nez.

Quant à la scénographie d’Anouk Schiltz – qui signe aussi les costumes – elle souligne surtout le cadre froid et impersonnel par le carrelage blanc qui recouvre les murs, qui pourtant prend parfois un accent irréel sous l’effet des lumières. Même la première scène risque, avec malice, de dérouter le public par l’allusion au bariolé d’une chambre d’enfants avec le lit/sac de couchage coloré où pointe le nez pointu d’un masque d’enfant et où surgit la Fée bleue dans sa jupette de tulle bleu, chantant une berceuse pour endormir Jason enfant qui pourtant met abruptement fin à cet épisode rassurant.

Vandalium, au début laisse percer un brin d’espoir mais sombre rapidement dans un univers traumatisant, porté par une équipe engagée et un très bon duo de comédiens.

À voir au Théâtre du Centaure les 4, 5, 7, 25 (suivi d’un bord de scène avec l’équipe artistique) et 26 mars 2025 à 20.00 ainsi que les 6 (suivi d’une table ronde thématique) et 9 mars 2025 à 18.30. Réserv.

Josée Zeimes
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