Quand je pars en road-trip avec mon épouse, je prends toujours bien soin de remplir ma clé USB avec toutes les nouveautés musicales que je n’ai pas encore eu le temps de découvrir. La voiture est un endroit propice à la découverte, on peut se laisser facilement bercer sans pouvoir s’évader physiquement, se mettre à bouquiner ou arroser une plante. Puis vient irrémédiablement le moment où ma moitié en a un peu marre d’écouter d’obscurs groupes indie de Portland ou Sheffield, et où ma clé USB se voit remplacée par la bibliothèque iTunes sur son téléphone portable. Je dois rarement attendre plus de dix minutes avant d’entendre un titre des Killers. À part quelques soirées dans un bar « rock » où on entend de temps à autre Mr Brightside, leur plus gros hit, ces road trips sont ma seule exposition sérieuse à la musique de ce groupe, débarqué en fanfare vers 2003. Devant l’enthousiasme de ma conjointe d’assister à leur concert à la Rockhal jeudi dernier (organisé par l’Atelier), je me devais néanmoins d’y être et de voir comment ces morceaux pop-rock plutôt accrocheurs à défaut d’être subtils allaient être traduits sur scène.
Une première évidence : la salle est archi-comble, ce qui contribue encore un peu plus à la fournaise ambiante. Le set commence et ce sont déjà des milliers de paillettes qui se déversent sur le public, tandis que The Killers joue The Man, un morceau récent, très pop et plutôt gnangnan. En une minute, la couleur est annoncée : la scène est grande, il y a neuf personnes dessus (dont trois choristes black, chacune derrière un signe lumineux formant le symbole féminin), le chanteur Brandon Flowers joue du piano caché derrière un beaucoup plus gros signe lumineux en forme de symbole masculin, le batteur est très haut perché et l’écran derrière le groupe est énorme. Oh, on a oublié de vous préciser que le groupe était originaire de Las Vegas. Ce qui va suivre a sans doute été minutieusement préparé pendant quelques semaines dans une salle climatisée quelque part au milieu du Nevada : un concert hyper professionnel et carré, sans trop d’émotion, où l’improvisation n’existe pas. Après quinze minutes de concert, Brandon Flowers explique, veste cintrée sur le dos, à quel point il a chaud.
Un peu plus d’une heure et demie plus tard, le concert s’achevait sur le tube attendu Mr Brightside, toutes lumières allumées, permettant de voir l’état de transpiration avancée de tous nos voisins. Entretemps, tous les succès y sont passés : Somebody told me, A Dustland fairytale, Runaways, Read my mind, When we were young ou encore Human. Quasiment tous à la suite, en fin de concert, avec un nouveau lancer de cotillons dans toute la salle, et un mur d’étincelles tombantes devant l’écran géant. Les fans avaient les yeux qui brillaient, et ce n’est pas compliqué de comprendre comment ce groupe est arrivé à un tel succès : des chansons pop-rock inoffensives mais entraînantes, un chanteur à la voix reconnaissable, une attitude de rock star propre sur soi et plein de confettis. Un show tellement américain qu’il ne pouvait venir que de Las Vegas. Entre tous ces tubes, le remplissage sonore était parfois pénible à entendre, entre influences Christian pop et soupe aux relents pseudo soul (ah, ces choristes black). À défaut d’être passionnant, ce concert fut toutefois intéressant à voir, et l’enthousiasme parfois primaire des spectateurs répondant aux « make some noise Luxembourg » du MC de service était plutôt bon enfant. En une soirée, la Rockhal s’est déguisée en MGM Grand, et juste l’espace d’un instant, tout le monde a eu droit à son rêve américain.