Cela faisait plus de trois ans qu’on attendait son retour au Luxembourg, après une prestation remarquée lors du Sonic Visions 2014. La nouvelle reine du rock s’est faite désirer et a réussi dans ce laps de temps à fédérer un public acquis à sa cause. On se demande d’ailleurs comment il pourrait en être autrement, tellement elle navigue deux crans au-dessus de tout le monde aujourd’hui. À l’heure où le rock n’a jamais été aussi mal en point, c’est peut-être cette Australienne espiègle qui détient les clés pour le sauver.
L’Atelier est moite en ce weekend pluvieux. La sono passe du PJ Harvey. Il y a beaucoup de mecs dans le public. Courtney Barnett débarque, entourée de trois musiciens, et entame les paroles de Hopefulessness, morceau lancinant ouvrant son tout nouveau tout chaud album Tell me how you really feel. « Take your broken heart / Turn it into art », clame-t-elle, alors que tout le premier rang la filme. Au bout de trois minutes, la mélodie répétitive se transforme en riff dévastateur rappelant le meilleur des années 90. Le concert est lancé.
Courtney Barnett est le nouveau fer de lance d’un rock décomplexé biberonné à Weezer, Lemonheads ou encore Cat Power. Elle ressuscite les démons de Sleater-Kinney ou L7 à coups de guitare électrique jouée en secouant la tête et en tournant sur soi-même. Ses mélodies sont pop et acidulées. Les textes expriment tour à tour les angoisses ou la rage. La vulnérabilité est omniprésente. L’équilibre lourd/léger de ses chansons fougueuses et débraillées est le fruit d’une maîtrise technique et émotionnelle digne de Ty Segall, autre héraut d’un rock anglo-saxon renouvelé. Et Courtney a une élégance folle qui va bien au-delà du copier-coller à étiquette « indie rock nineties ».
Sur scène, elle ne s’est pas trop posée de question pour définir sa setlist : elle égrène un par un et dans l’ordre tous les morceaux de son dernier album. Pas méga-original ni très excitant, mais efficace. Dix morceaux en une quarantaine de minutes, avant de plonger dans sa discographie et en ressortir enfin les perles attendues afin d’emballer un public s’étant un peu assoupi. Et là ce fut l’explosion : Avant gardener, Small poppies, Elevator Operator, autant de morceaux auxquels tout humain normalement constitué ne peut résister, et une preuve instantanée que Courtney a déjà marqué cette décennie musicale de son empreinte. Après le touchant Depreston, une chanson traitant de la transformation du banal en quelque chose d’extraordinaire, un bref rappel envoya tout le monde se coucher sur un dévastateur Pedestrian at best et ses paroles surréalistes (« Give me all your money, and I’ll make some origami, honey »). Puissant, intense, classe. Sébastien Cuvelier