La crise économique et financière révélée en 2008 avec les subprimes suivie de la crise plus récente de la dette souveraine ont impacté de manière plus ou moins significative les entreprises de par le monde. Les reports de pertes qui en découlent peuvent être impressionnants et le recours à une planification fiscale visant à les utiliser devient inéluctable. Certains États s’en émeuvent et tentent de limiter ou éviter les situations abusives telles que les déductions multiples pour la même perte.
Dernier exemple en date : l’affaire Philips Electronics UK Ltd (Philips UK ; Affaire C-18/11 ). Cette dernière traite du transfert de pertes au sein d’un groupe de sociétés britanniques et néerlandaises. Philips UK a en effet soumis une demande aux autorités fiscales britanniques aux fins d’inclure dans sa base taxable les pertes subies par la succursale britannique de sa maison mère LG.PD Netherlands (LG NL). Les autorités fiscales ont refusé le transfert de pertes en se basant sur leur législation interne qui empêche ce report dans l’hypothèse où ces mêmes pertes peuvent être utilisées aux Pays-Bas.
Une question préjudicielle a dès lors été posée à la Cour de justice de l’Union européenne (CJEU) quant à la conformité de la position britannique avec la notion de liberté d’établissement. Cette dernière est définie dans l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’UE et interdit les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants, mais aussi les freins à la création de filiales ou succursales par les ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre.
L’avocat général a récemment présenté ses conclusions et, chose intéressante, elles sont en faveur du contribuable et rejettent les justifications apportées par l’administration fiscale britannique. La jurisprudence de la CJEU précise qu’une restriction de la liberté d’éta-blissement n’est admise que si elle est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. Ces dernières sont remplies uniquement dans la mesure où la réglementation nationale vise à préserver la répartition du pouvoir d’imposition. La question qui se pose dans le cas d’espèce est donc la suivante : Est-ce que la possibilité de déduire aux Pays-Bas les pertes d’un établissement stable d’une société néerlandaise établi sur le territoire britannique porte atteinte au pouvoir d’imposition du Royaume-Uni lorsque ces mêmes pertes sont utilisées dans la base taxable d’une société résidente ?
L’avocat général répond par la négative. La prise en compte des pertes aux Pays-Bas n’a aucune incidence sur le pouvoir de taxation au Royaume-Uni même si les Pays Bas n’exercent pas le pouvoir qui leur revient en vertu de l’arrêt Lidl Belgium (C- 414/06). Pour rappel, cet arrêt permet d’ignorer fiscalement les pertes d’un établissement stable qui sont également prises en compte dans l’État ou l’établissement stable est situé.
L’avocat général confirme ainsi que pour Philips UK, la restriction à la liberté d’établissement ne peut être justifiée par la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition, même en combinaison avec l’objectif visant à faire obstacle à la double prise en compte des pertes. Sur ce point, l’avocat général confirme que la liberté d’établissement ne peut non plus être justifiée par le seul objectif de faire obstacle à la double prise en compte des pertes, car ce dernier n’est pas un élément de justification autonome.
L’arrêt de la CJEU devrait être logiquement rendu fin 2012 ou début 2013, et s’il suit les conclusions, il est certain qu’il permettra de clarifier la position de la CJEU sur le transfert des pertes dans un contexte international et de permettre des opportunités pour les groupes internationaux.