L’émergence de la toile Internet comme outil de communication, de promotion et d’information prend chaque jour une importance de plus en plus primordiale, obligeant plus d’un à revoir la promotion d’un support culturel. L’industrie musicale, touchée de plein fouet par cet avènement qui entraîne aussi téléchargements plus ou moins gratuits et/ou illégaux, essaie avec un certain retard de s’adapter à cette évolution, qu’elle n’a pas prise assez au sérieux. D’un autre côté, on assiste à la mise en place de microstructures qui s’implantent grâce à cette toile et qui proposent de nouvelles formes de distribution.
C’est dans cet esprit que s’est formé le label en-ligne, basé au Luxembourg, Schnurstrax Records, coordonné par Ralph Zeimet aka Fracture. Proposant sur le site www.schnurstrax.net des téléchargements des créations musicales, vidéos, graphiques et écrites du catalogue sous le sceau de la gratuité, mais sous certaines conditions, le label utilise idéalement la plateforme globale qu’est Internet. Ce qui n’empêche pas la sortie d’une première compilation sur support CD, proposant une sélection non exhaustive du catalogue du label, qui abrite des musiciens d’horizons divers. Faisant la part belle à l’éclectisme et à l’expérimentation sous toutes ses formes, cette opulente compilation (pas moins de 17 titres) dévoile dès les premiers titres un net penchant pour l’electronica, genre qui transparaît à travers les trois-quarts de la sélection des morceaux.
Après une brève intro ambient avec piano des Irlandais JC+GK qui donnera le ton (mélancoliquement contemplatif) à suivre, le Bulgare The Chair Listener enfonce ce clou avec plus de conviction rythmée. Le duo franco-canadien Komparce nous rappelle le bon souvenir des paysages sonores chers à Mouse on Mars et the Black Dog. Lugubre et hypnotique, le gv4 de @ vous fera passer l’envie de traverser les landes iralndaises la nuit. En provenance de Chicago, les minimalistes Company of Big Beats installent un groove lancinant fait de quelques boucles de batteries, de basse et d’orgue. The Tobacco Company, pseudo de Fracture pour ses essais plus atmosphériques, voit la tête pensante de Schnurstrax s’enfoncer dans un brouillard ambient fait de drones et de nappes de synthé. Ensuite, c’est au tour de How do you get your Inspiration, projet local lui aussi, de se lancer avec un sample de voix trafiquée, des guitares acoustiques empilées et des bourdonnements qui rappellent les explorations kraut d’Amon Düul, en plus urbain.
Beaucoup moins sérieux mais très anecdotique, l’américain Protecius mélange guitare kitsch entre rock et funk à des rythmiques programmées. Puis, Raftside, qu’on ne présente plus, offre la seule plage chantée avec Another game tiré de The desperate life of Johnny Sunshine. Suit Onde Orange, formation psyché-rock française, dont le seul mérite est d’apporter l’unique morceau réellement dispensable tant la qualité sonore (niveau salle de répètes) baveuse et l’approche nombrilistiquement vide laissent à désirer. Heureusement, le Kaktus torturé et anguleux de Tvesla vient rehausser le niveau. Ensuite, Sug[r]cane, accompagné du guitariste japonais Baa Rec, nous ressert son electronica shoegazing éthérée et répétitive. Assénant ses big beats sur une nappe plutôt dark, le maître de maison, Fracture, développe un univers proche d’un Boards of Canada sombre. Plus léger, voire plus pop, le duo Artaban des frangins Nilles nous envoie un Melankonic accrocheur que n’aurait pas renié Télépopmusik. Autre éminence de l’électronique locale, Airstrip One (de Grand Duchy Grooves) rend un hommage à peine voilé et violent à Leftfield. Malgré sa courte durée, la pièce ambient du serbe Lezet sème une ambiance malsaine. Cette sélection se clôt sur It’s music or die de Cyclorama, récemment chroniqué dans ces pages. Dans cette caverne d’Ali Baba qu’est le catalogue Schnurstrax, tout auditeur curieux et ouvert devrait pouvoir trouver son compte, à peu de frais, qui plus est.