Petite remise en situation. Baby Oil avait, au milieu des années 1990, marqué les esprits par la pratique d’un stoner rock impliquant aussi un peu de noise. De plus, le chant féminin assuré par deux jumelles se chargeait de faire tourner les têtes et finissait d’asseoir la réputation de ce combo dans la grande région. Les choses s’étant décantées au fur et à mesure par la suite, de nombreux changements de line-up finiront par entraîner le groupe dans un hiatus indéfiniment long ; pendant cette période, on notera que les principaux protagonistes continueront dans d’autres formations plus éphémères comme Nequi:Bo ou Marry me twice, le guitariste Seb Peiffer s’adonnant même avec une certaine réussite à la jungle sous le pseudonyme Bazooka.
Mais voilà, tel Lazare, il était écrit quelque part que Baby Oil n’avait pas dit son dernier mot. Le groupe se remet sur les rails par l’entremise des deux guitaristes initiaux, qui pour l’occasion s’adjoignent une section rythmique où l’on peut pointer le batteur haut en couleurs des regrettés Tiger Fernandez. Près d’une décennie après ses premiers pas, Baby Oil revient donc avec un deuxième album, intitulé Score et distribué sur Winged Skull. Mais après une telle parenthèse, peut-on encore parler de la même formation que jadis ? Certes, leur musique reste très orientée guitares 90’s rappelant à maintes reprises des groupes tels que Pearl Jam, Bush, My Vitriol, voire et surtout les premiers Placebo ou les Smashing Pumpkins, mais la dimension stoner caractéristique à la première mouture du groupe est mise plus ou moins au placard. Le chant principal est assuré par Seb Peiffer et s’enfonce dans une veine ouvertement mélodique. Le bonhomme prouve, souvent d’ailleurs, une certaine aisance même si les parties vocales ne se démarquent que rarement du reste des instruments au lieu de les transcender.
Le Baby Oil version 2.0 se veut plus évident et essaie de plaire à tout le monde. Trop peut-être ? À chacun de décider, mais l’auteur de ces lignes ne peut s’empêcher de penser que, dans la valse aux compromis, Baby Oil a tronqué une partie de sa personnalité contre des arrangements à la truelle et un peu passe partout au service de compositions qui lorgnent un peu du côté des stades. Bon, ces derniers constituent évidemment le terrain de jeu habituel des groupes évoqués ci-dessus. De plus, on a cette impression que Baby Oil n’arrive pas à se décider sur quel pied sauter, d’où un rock très balisé qui laisse peu de place aux surprises.
Ceci dit, cela n’entame en rien l’énergie virile, bien réelle, qui se dégage de l’album, souligné par le jeu de batterie très solide et une basse (trop) discrète. Les guitares, bavardes, parfois brouillonnes ou mal équilibrés dans le mix, auraient gagné en subtilité mais assurent quand il faut bétonner le fond de jeu et captivent quand on leur laisse le temps de développer l’ambiance comme sur le final majestueux de Talking books ou sur l’instrumental et épique Penguin. D’ailleurs, ces deux morceaux, les plus longs de l’album, montrent un groupe plus à l’aise et convaincant lorsqu’il a l’occasion d’asseoir peu à peu ses idées par rapport au format court et ramassé des deux à trois minutes. Autre réussite, Over the cloud emprunte le fameux gimmick du Can’t you get out of my head de l’Australienne de poche (et de charme) en clin d’œil et distille une tristesse diffuse.
Ce Score remet en selle une formation qui avait été laissée pour morte, il y a encore quelques années. C’est là le principal mérite de cet album mi-figue, mi-raisin. Baby Oil semble encore se chercher et on ne peut que leur souhaiter de miser plus sur leurs points forts la prochaine fois.