Le but de Michael Palmer, avec la publication aux éditions Racine de Art belge 1880 - 2000 en deux volumes est de faire (re)connaître l'importance de celui-ci ainsi que son impact sur l'art européen du XXe siècle. L'auteur, né à Londres en 1933, est diplômé en histoire de l'Université d'Oxford et a terminé sa carrière comme directeur général de la recherche au Parlement européen à Luxembourg où il réside. Ce "passionné d'art belge", qui a vécu plusieurs années en Belgique, a collaboré comme expert en art moderne belge au Christie's International Magazine.
Le premier volume, D'Ensor à Magritte. Art belge 1880-1940, paru en 1994 et faisant ici l'objet d'une édition revue, couvre ce que l'auteur estime être la période faste de la création belge. Ce tome est constitué de chapitres retraçant la succession des différents mouvements ("autour de l'impressionnisme", néo-impressionnisme, luminisme, symbolisme, les deux groupes de Laethem-St-Martin, les peintres brabançons, "autour de l'expressionnisme", abstraction, cubisme et futurisme, Dada et le surréalisme...). Chaque chapitre comprend une étude des artistes représentatifs du courant et situe judicieusement tant leur uvre que le mouvement auquel ils appartiennent dans le contexte européen, analysant au fil des influences réciproques autant ce qui distingue que ce qui rapproche nos créateurs belges de leurs confrères étrangers. Certaines personnalités comme Ensor, Evenepoel ou Spilliaert font l'objet de chapitres leur étant entièrement consacrés.
En ce qui concerne le choix iconographique, et ceci vaut pour l'ensemble des deux volumes, un effort particulier a été fourni: ce ne sont pas nécessairement les oeuvres les plus connues qui sont reproduites, ce qui nous vaut quelques découvertes, également dans la mesure où certaines de ces pièces sont conservées dans des collections privées.
Le second tome, titré D'Alechinsky à Panamarenko. Art belge 1940-2000, est élaboré différemment: après des textes de fond sur les différents mouvements ayant marqué l'art belge durant les soixante dernières années (animisme, Jeune Peinture Belge, Cobra, abstractions géométrique et lyrique, art conceptuel, art figuratif), textes dans lesquels bon nombre d'artistes sont présentés, l'auteur revient sur une trentaine d'entre eux à la faveur de courts chapitres. Pour cette partie de l'ouvrage, il nous propose son choix de "personnalités incontournables", selon ses propres termes, étudiées de manière plus approfondie.
Michael Palmer a opté pour une approche traditionnelle reposant sur la primauté de la peinture et de la sculpture et qui, si elle est applicable au contenu du premier volume, convient par contre moins bien au second. En effet, cette vision minimise l'apport de certains médiums et notamment de la photographie. Si l'on trouve ici et là des passages à propos des pratiques photographiques de certains artistes tels Ubac, Jan Vercruysse ou Jacques Charlier, cependant aucun auteur-photographe actuel ne figure dans cet ouvrage bien que ce médium ait pris une importance croissante dans l'art contemporain de ces dernières décennies.
L'auteur ne fait pas grand cas non plus de la vidéo, excepté quelques brèves évocations d'oeuvres filmiques comme celle de Lili Dujourie ou les commentaires consacrés à Marie-Jo Lafontaine dont la réputation s'est bâtie entre autres sur des installations vidéo. Or l'art belge s'est distingué en ce domaine et on regrettera par exemple l'absence en ces pages du vidéaste Jacques Louis Nyst, alors qu'il fut une figure majeure sur le plan international.
Par ailleurs, certaines analyses nous laissent un peu sur notre faim, ne touchant pas nécessairement l'essence des uvres ou leur portée réelle, et donnent parfois le sentiment que M. Palmer est moins à l'aise avec l'art contemporain. Mais l'auteur revendique le fait qu'il s'agit de sa vision propre, à tel point qu'il n'a pas voulu rencontrer les artistes actuels pour éviter de déformer ses opinions. Il signe un ouvrage qui ne relève donc pas de l'approche scientifique que livrerait un historien de l'art mais de la vision d'un «passionné» avec tout ce que cela comporte d'appréciations personnelles et de liberté dans l'approche des oeuvres, un ouvrage qui s'adresse plutôt à un public désireux de découvrir l'art belge d'hier et d'aujourd'hui.
Michael Palmer: Art belge 1880-2000, deux volumes brochés sous coffret parus aux éditions Racine, format 25 x 33 cm, 472 pages, 400 reproductions en quadrichromie, prix : 49,95 euros. (Le premier volume, D'Ensor à Magritte, est également paru en néerlandais et anglais.)