« Je suis optimiste, s’exclame Christine Doerner (CSV), je dirais que nous allons pouvoir évacuer toutes ces réformes du droit familial d’ici fin 2013 ! » Membre de la commission juridique de la Chambre des députés, elle y est notamment rapportrice du projet de loi numéro 5867 relatif à la responsabilité parentale, un projet qui date de 2008, déposé alors encore par le ministre de la Justice Luc Frieden (CSV). Les travaux parlementaires remontent même encore plus loin, à deux propositions de loi des députés Laurent Mosar et Marie-Josée Frank (CSV) respectivement Jacques-Yves Henckes (ADR) sur le même sujet, déposées au milieu des années 2000. Le constat que la législation luxembourgeoise n’est plus du tout adaptée à la vie des gens semble donc généralisé, tout de monde avançant la nécessité d’un bon coup de balai dans des textes qui ne prennent guère en compte des choix personnels des familles autres que le mariage normatif.
Dès le début de cette législature, il devint évident qu’un dépoussiérage de fond en comble du droit familial ne faisait vraiment sens qu’en déblayant tous les textes concernés selon une sorte de chronologie de la vie du couple, du mariage en passant par la filiation, comprenant aussi l’adoption, voire l’avortement, le divorce et l’autorité parentale. En tout, la commission juridique est saisie en ce moment de cinq projets et d’une proposition de loi sur ces sujets (l’avortement étant traité à part), et attend encore un texte sur la filiation, qui devrait pouvoir être déposé d’ici septembre. En janvier de cette année, la commission a décidé de traiter les sujets par thème (et non plus projet par projet), avant de fixer, en accord avec le Conseil d’État, une chronologie pour l’évacuation de cette grande réforme sociétale.
Or, il suffit de lire la liste des sujets concernés pour sentir où il peut y avoir anguille sous roche : qui dit mariage pense mariage homosexuel, sur lequel il n’y a toujours pas de consensus dans la majorité ; qui parle filiation doit forcément réfléchir à l’homo-parentalité, qui divise toujours, voire se fixer enfin sur un cadre légal pour l’assistance à la procréation artificielle ; réformer le divorce implique incontestablement une prise de position sur l’individualisation des droits de pension et ainsi de suite. La logique politique veut que l’opposition (et les sections jeunesses des partis de la majorité) livrent un combat idéologique au CSV présumé conservateur, voire réactionnaire sur tous ces sujets. « Très sincèrement, je crois que ces questions n’ont strictement rien à voir avec l’idéologie, répond pourtant Christine Doerner, mais il s’agit de Zeitgeist – les couples doivent se retrouver dans la loi ! »
Que l’autorité parentale conjointe soit enfin érigée en principe, quelle que soit la situation matrimoniale des parents, et tous les enfants traités sur un pied d’égalité sont des évidences qui seront enfin coulées dans ces lois. Les procédures judiciaires lors de la séparation et surtout de l’attribution de l’autorité parentale ou d’une pension alimentaire seront facilitées par l’instauration d’un tribunal aux affaires familiales avec un juge unique qui remplacera les quatre juges intervenant aujourd’hui (référé, de la jeunesse, des tutelles et le juge de paix, voir d’Land du 5 mars 2009).
Or, en attendant, la détresse si banale des gens suite à une séparation (voir ci-contre), et les questions douloureuses de partage d’autorité et de responsabilité parentales ne trouvent pas de réponse dans le tissu législatif : alors qu’un enfant sur trois naît désormais hors mariage au Luxembourg, la norme pour ces parents demeure l’attribution d’office de l’autorité parentale à la mère. Or, dans la souffrance de la rupture, les réactions des uns et des autres ne sont pas toujours rationnelles, l’intervention d’un juge inévitable – et ce juge des tutelles dispose alors d’une grande liberté d’appréciation. « Aucune famille n’est comme une autre, » souligne encore vis-à-vis du Land, Christine Doerner. Et Félix Braz (Déi Gréng) de noter que « le terme ‘juge’ apparaît presque plus souvent que le terme ‘parent’ dans le nouveau texte. » Lui aussi concède que la réforme de la législation sur l’autorité parentale s’imposait depuis longtemps, et confirme que les travaux de la commission parlementaire sont plus pragmatiques qu’idéologiques.