Enfermé chez lui en raison de la situation sanitaire, la pandémie a confronté chacun d’entre nous à l’espace privé, domestique, à la singulière étrangeté de cet espace que nous côtoyions chaque jour sans le percevoir vraiment, dans une forme d’invisibilité. Une visibilité sans précédent a donc été donnée à cet espace, à cette intériorité et les voyages ont paru tel un horizon lointain : des lieux que nous regarderions à travers une glace, nous en trouvant soudainement empêchés.
L’exposition Mobile-home, prolongée au Centre d’Art Faux Mouvement à Metz au-delà du 26 septembre, choisit précisément de revenir sur ce temps arrêté et ce, au travers du mouvement. La vitrine extérieure attire dès l’entrée l’attention sur cette immobilité, ce figement : un homme est assis qui lit un journal dans la vitrine. Le journal reflète tous les bruissements du monde dont la pandémie nous a (pour un temps) coupés. Mais il est aussi l’image de ce mouvement puisque les faits y sont événementialisés.
À l’image de ces coureurs cyclistes en rang d’oignons pour cette course d’Eurosport reproduite sur grand écran dont le mouvement, justement, rend le spectateur à sa paradoxale immobilité. Un extrait d’un monde d’avant aussi, trace et témoignage d’un temps où le mot de « distanciation sociale » n’était pas encore entré dans la doxa sanitaire et signifiait encore faire montre de distance. La distance et l’horizon on les perçoit encore de cette vue sur berge proposée par Carole Fékété avec Les Baraques-Plage. Un travelling en un seul plan-séquence fait apparaître l’une après l’autre des baraques alignées sur plusieurs centaines de mètres. Cette plage entre Calais et Sangatte en hiver est déserte mais on distingue les vagues, le vent, quelques voix au loin. Les bruissements du monde. La caméra parcourt la plage, instant poétique.
L’instant poétique, qui pourrait être fugace, se retrouve quelques installations après. Portrait in Motion de Nadia Myre fait voyager l’artiste au sens propre comme au sens figuré, le spectateur aussi. L’artiste se trouve sur un lac à partir d’un canot qu’elle a fabriqué. Le canot est d’ailleurs une de ses œuvres d’arts. Il fait partie d’une collection à Indianapolis aux États-Unis. Cette vidéo la montre pagayant sur un lac brumeux au lever du jour. L’artiste a souhaité se jouer de certains clichés dont celui de l’Indien dans la nature, étant elle-même d’origine autochtone. L’œuvre produit un ensemble d’images intrigantes. À voir absolument.
Mobile-home fait voyager le spectateur et ce voyage emprunte parfois des détours. Il ne se trouve pas toujours où on l’attend. Il peut ainsi investir de son imaginaire les murs blancs de l’exposition comme pour Windows to take away d’Octavi Serra. Fenêtre de ciel bleu à hauteur de taille, comme une vitre que l’on ouvrirait nous invitant à contempler cet ailleurs, exquisément étranger et dans le même temps familier, d’une autre manière. Redécouvrir ce coin de ciel bleu, revoir ce soleil dont les rayons n’ont pas dardé notre peau durant ces temps confinés. Tel est bien aussi l’esprit de cette exposition qui « synthétise à la fois l’idée d’immobilité et de voyage, le mouvement et l’inscription. L’espace domestique se conjugue ici au déplacement et à la découverte », précisent Yanina Isuani, respectivement artiste commissaire et commissaire de l’exposition Maryse Jeanguyot.
De la définition du mobile-home, caravane de grande dimension, hors gabarit routier, destinée à une occupation temporaire de loisirs, et conservant ses moyens de mobilité, l’exposition maintient ce caractère voyageur. Espaces quotidiens ou voyages lointains, Mobile Home travaille l’imaginaire et la fugacité de l’instant poétique, niche, temps arrêté dans la complexité du présent.