Paul Kirps a créé son agence de graphisme à Luxembourg en 2004. Depuis lors, son travail évolue entre graphisme, édition et travail d’artiste. Pour l’exposition Graphique Deluxe en 2005, il a créé une illustration monumentale sur la façade de la Banque de Luxembourg au Kirchberg, « Camp de base » du Mudam. En 2004- 2005, Paul Kirps a exploré le domaine du film avec Autoreverse, une série de cinq séquences audiovisuelles présentées à la cinquième Nuit des musées et à Eldorado, l’exposition inaugurale du Mudam en 2006. Le projet Mother a été sa première exposition solo en Suisse en 2008. Paul Kirps a créé Diamonds, un triptyque conçu pour l’exposition de groupe Elo : Inner Exile-Outer Limits au Mudam, intégré dans la collection du musée et son installation vidéo Autoreverse fait partie de la collection du MoMA à New York. Paul Kirps a remporté le prix Robert Schuman 2009 et expose actuellement Glow in the dark au Kiosk de l’Aica et participe à l’exposition Ceci n’est pas un Casino. Entretien.
d’Lëtzebuerger Land : Quels enseignements tirez-vous de l’installation Glow in the Dark au Kiosk ? Est-ce très différent de travailler dans l’espace du musée ou de la galerie d’art ?
Paul Kirps : La situation est en effet très particulière. Et je me suis rendu compte que la situation, très différente de celle du musée ou de la galerie était un véritable challenge ! En premier, parce que ce n’est pas un endroit où on va avec l’intention de regarder l’œuvre. Tout le monde la voit – ou d’ailleurs ne la voit pas – ce qui veut dire que l’artiste s’expose vraiment en intervenant là.
Il n’a donc pas droit à l’erreur…
Oui, même si ça a l’air très simple comme intervention. Cela m’a demandé beaucoup d’investissement ! C’était pour moi une situation toute nouvelle et je suis reconnaissant à Lucien Kayser qui est mon commissaire de m’avoir sollicité.
Alors expliquez-moi votre investissement Place de Bruxelles ?
La première question est : qui voit le Kiosk ? Qui regarde l’œuvre ? Il faut donc faire un choix par rapport aux gens qui passent et comment ils passent – quitte à ce qu’ils ne regardent pas – les voitures qui passent et les voitures à l’arrêt au feu rouge – le chauffeur regarde-t-il durant le moment de l’arrêt ou pas ? – et puis il y a le plein jour, le crépuscule et la nuit. La nuit d’ailleurs où passent des gens qui se rendent dans un café. Ceci pour illustrer que c’est tout à fait différent comme situation que le musée qui ferme à six heures du soir.
Ce n’est donc pas la situation idéale du musée où on se trouve normalement en face de l’œuvre pour la regarder…
Tout à fait. Et en tant qu’artiste qui intervient sur le Kiosk, on a tout à coup un regard tout à fait différent par rapport aux autres artistes qui sont intervenus sur ce lieu : la critique étant facile, l’endroit en soi vous donne tout à coup une leçon ! Et puis pour en venir à mon intervention, il y a ici aussi, contrairement au musée, les facteurs climatiques qui interviennent : chaud, froid, humidité. Or pour moi, qui suis quelqu’un qui aime travailler avec des artisans, le choix des matériaux a donc été un véritable enseignement. D’ailleurs ici, j’ai expérimenté un nouveau matériau pour moi, à savoir le miroir. En soi, c’est un peu kitsch, comme une enseigne de foire mais c’est cette maîtrise de la limite qui m’intéresse dans l’utilisation de quelque chose de nouveau. D’autant plus que la matière du miroir qui par essence reflète, est placée ici derrière une vitre…
Pour revenir à l’installation elle-même pourquoi est-ce que Glow in the Dark est un objet bidimensionnel ?
En effet… il est possible de remplir le Kiosk et de faire une œuvre comme dans une vitrine où il est possible aussi d’intervenir directement sur les vitres de devanture. Voire de mettre le Kiosk lui-même en scène par rapport à l’œuvre exposée. Je n’ai rien fait de tout cela, sinon rafraîchir un peu le lieu. Car par rapport à ma manière d’intervenir, la boîte électrique, les câbles qui pendent, font partie intégrante du Kiosk et me convenaient parfaitement. Même cette difficulté du lieu m’a intéressée par rapport au musée par exemple. Ce qui est mat – ici les bandes blanches – et ce qui brille – ici les bandes noires… mais on ne peut pas s’en approcher à cause de la vitrine.
En plus, vous avez même utilisé les néons du Kiosk pour votre installation.
Oui. Avec la fluorescence de l’œuvre, ils jouent un rôle important au moment du passage du jour à la nuit au crépuscule. L’œuvre flotte donc dans l’espace du Kiosk, ce qui est très différent par exemple de la Banque de Luxembourg au Kirchberg où j’avais directement utilisé les vitres comme support de mon travail.
Quel lien faites-vous entre cette œuvre-ci et des réalisations antérieures, votre travail de graphiste ?
Je vois un lien direct avec une œuvre que j’ai faite en Suisse, Mother. Comprenez bien, il n’y a pas de relation directe, linéaire d’une œuvre à l’autre dans mon travail. Parfois je switche ou je fais avancer la bande comme une bande son… ainsi, il y a un lien entre le travail que je présente actuellement au Casino et ce que j’ai fait pour le prix Robert Schuman. Là, il s’agit d’objets tridimensionnels qui ne sont pas suspendus dans l’espace mais posés dedans.
Mais même s’il s’agit de registres différents, il sera intéressant de faire un pont entre l’objet 2D du Kiosk et l’œuvre 3D qui est exposée au Casino. Glow in the Dark est plutôt mystérieux, comme un objet venu d’ailleurs…
Beaucoup de monde me pose des questions par rapport à la technique, par rapport à la fluorescence de Glow in the Dark lorsque la nuit est tombée. Pour moi bien sûr c’est important, mais mon œuvre, dans mon idée, est reliée à plein d’autres choses, comme les lumières-objets qui brillent dans le noir dans les chambres d’enfants.