Gregor Samsa, quatuor de Virginie, tire son nom du personnage principal d'un des plus célèbres ouvrages de Franz Kafka, La métamorphose. Avec un patronyme pareil, gageons qu'ils ne sont pas là pour rire ! Ayant trouvé refuge pour la distribution européenne sur Own Records, structure luxembourgeoise dont l'exigence et la démarche artistique ne sont plus à prouver (rappelons de mémoire leurs excellentes dernières sorties que furent 31 Knots et the Dust Dive), ils nous livrent un deuxième effort qui tient les promesses entretenues par le premier ep 27:36 en 2003; ep q'on pouvait déjà retrouver sur Own Records. Entre ces deux sorties, le groupe a pris le temps de se séparer un temps avant de se reformer. On retrouve donc Champ Bennett et Nikki King, aux harmonies vocales et aux guitares, Jason Laferrera et Billy Bennett, à la section rythmique. Pour ce disque, il faut bien dire qu'on n'a pas fait les choses à moitié. Maintenue dans un superbe étui en carton gris avec lithographie en guise de couverture, la plaque, rien que pour ça, vaut déjà le détour ! Cet album intitulé 55:12, alors qu'il ne dure que 50 minutes et 36 secondes (ne serait-ce pas une façon de signifier une comptabilité propre qui aurait commencé avec 27:36, dont le double de durée est justement 55'12'' ; nous vous tiendrons au courant dans les prochaines éditions…), nous plonge dans une ambiance éthérée et cotonneuse des plus réussies. Rappelant les grandes heures de la scène shoegazer britannique du début des années 1990 et plus particulièrement Slowdive, ou alors plus près de nous Low, Godspeed You! Black Emperor, Labradford ou encore Sigur Ròs, Gregor Samsa bâtit des cathé-drales majestueuses de spleen, où la réverbération des guitares noie leur désarroi dans des motifs élégiaques et abyssaux. Hautement atmosphériques, les compositions dépassent pour la plupart la barre des sept minutes, la palme revenant à even numbers qui culmine à dix minutes et des poussières, démontrant à plus d'un titre la maîtrise des climats et des crescendos qui prennent leur temps dont peut faire preuve Gregor Samsa. Le chant bicéphale tour à tour féminin (voix diaphane et envoûtante) et masculin (murmures las et évocateurs) se plaque sur la pesanteur des tempos lancinants et crépusculaires et procure ainsi un sentiment de rêve éveillé qui perdure tout au long de l'album. Musique habitée par la dérive nocturne, où le spleen grésille et perturbe le ronron habituel de nos vies normées par les petits tracas anodins, elle fait appel à un imaginaire romanesque et torturé par les tourments de l'âme. Le hasard faisant bien les choses, ils seront demain, samedi 13 mai au d:qliq, qui saura procurer (on l'espère !) l'intimisme nécessaire à la musique déployée par ces quatre musiciens. Ils seront accompagnés par le canadien Barzin, qui en profitera pour nous convertir à son slowcore countrysant classieux, contusionné et vénéneux. Sceptiques, curieux ou convaincus, venez ! Évidemment, on peut se demander si Gregor Samsa est capable de reproduire sur scène le monde qu'il a invoqué sur disque. Mais le test de la scène permettra de savoir s'il faut attendre 82:48 !
Le CD 55:12 de Gregor Samsa est en vente pour 10 euros sur www.ownrecords.com. La soirée de lancement luxembourgeoise aura lieu demain, samedi 13 mai, dès 20 heures au d:qliq, 17, rue du Saint-Esprit à Luxembourg-ville; entrée : 10 euros. Pour plus d'informations: www.gregorsamsa.com et www.d:qliq.com.