Du Yusef Lateef résonne dans le club de la Rockhal. Avant que le spectacle ne débute, on entend ou écoute, en guise de musique d’attente, la reprise du thème du film Spartacus en version orientale. Le staff a bon goût. Le public est arrivé en avance et en nombre pour assister à la troisième édition de Looss alles eraus, spectacle de danse et de rap performé par des jeunes du service de psychiatrie juvénile des hôpitaux Robert Schuman. Un avant-goût de cette collaboration entre la Fondation Eme et du Rocklab de la Rockhal avait déjà été donné à la Philharmonie en février dernier, à l’occasion des dix ans de la fondation. Le public avait alors assisté à un spectacle en rodage, inégal mais inévitablement touchant. En ce jeudi 25 avril, la somme d’un long travail de plusieurs mois va être présentée. Certes, le public est acquis à cette cause, mais encore faut-il le divertir ou ne pas l’ennuyer, l’abreuver de numéros réussis ou du moins aller jusqu’au bout.
Les lumières s’éteignent, huit caisses cylindriques sont disposées sur la scène. Des lettres peintes en fluo et inscrites sur ces instruments de fortune forment le mot noise. Un premier groupe de jeunes armés de baguettes introduit le spectacle par un numéro de percussions. Le public est réceptif au rythme primaire qui s’en dégage. Un duo fait suite. Un rap timide mais maîtrisé illustré par un jeune danseur dont les mouvements brillent autant que son pull jaune. S’ensuivent un solo de danse d’une jeune fille qui feint de boiter puis agonise, un rap féminin mélancolique et enfin, un set de breakdance effectué par un jeune téméraire. Nouveau rap féminin sans concession, une jeune femme soutenue par le public a trouvé son exutoire. Elle conte ses déboires avec la drogue, les tensions avec ses parents, sa quête d’identité et de sexualité. Un moment fort. Nouveau numéro de danse, puis récitation d’un texte poétique pour un instant fragile durant lequel on retient notre souffle.
Une jeune femme aux cheveux verts pleine d’entrain joue du ukulélé avant un passage de flambeau entre danse pleine de souplesse et slam. S’ensuit un numéro de danse amoureuse où les deux jeunes s’agrippent, se portent, se bousculent, se séparent avant de se retrouver, évidemment. Un autre morceau accroche l’audience, celui d’une jeune femme qui retrace sa vie mouvementée, partant d’une enfance magique à une adolescence illogique. Absence du père, détresse puis rédemption. « C’est le karma », chante-t-elle. Un combat chorégraphié prend le relais, puis un nouveau moment au ukulélé où est scandé le crédo de la soirée, « I am sick of other people telling me what to do ». Nouvelle récitation de poésie mixé à des bruitages d’oiseaux, nouvelle danse en solo, nouveau rap sur une musique instrumentale prenante où on croit entendre une cornemuse et une foule qui encourage le performeur.
Un énième morceau de rap se profile, mais cette fois-ci encore, il étonne. Le spectacle se termine par un ultime titre au ukulélé, prétexte à voir arriver sur scène une dizaine de jeunes pour une danse chorégraphiée avant que ne débarquent les autres qui exultent et créent un joyeux foutoir. Standing ovation. Les instigateurs du projet montent enfin sur scène. La danseuse et chorégraphe Sylvia Camarda, le rappeur et producteur David Galassi et enfin Eric Bintz alias Céhashi, qui a composé les instrumentales, semblent fiers, à raison. Et tout le monde peut l’être. Celles et ceux qui ont tendance à fanfaronner après avoir fait un bon mot devraient en prendre de la graine. Voilà, ici, un vrai motif de fierté. Kévin Kroczek