Agora Marcel Jullian, à Neimënster, un groupe de cinquante à soixante personnes vient d’y installer son campement. Un set pour le moins expérimental va avoir lieu dans l’une des salles attenantes. Dans le cadre de la troisième édition du parcours musical The Walk, organisé par Graffiti et Radio Ara, quatre concerts ont été programmés à travers la ville.
L’artiste Adrian puis les formations Loivós et De Pascal vu Wooltz se sont déjà succédés. En guise de conclusion à l’évènement est maintenant prévue une collaboration inédite entre Bartleby Delicate (alias Georges Goerens) et le danseur-chorégraphe Georges Maikel. Artistiquement, les choses se présentent plutôt bien pour Bartleby Delicate. Lauréat en décembre dernier du prix du meilleur espoir de l’année aux Luxembourg Music Awards, celui qui s’est fait connaître en tant que leader de la formation Seed to Tree, poursuit son bonhomme de chemin en solo. Il vient de publier Beyond Good and Evil, un nouveau single disponible sur Soundcloud, Spotify et Apple Music.
Il s’identifie de son propre aveu à la musique folk, plus riche qu’il n’y paraît, comme très souvent. Les portraits qui lui ont été consacrés ces deux dernières années l’ont souvent comparé à des artistes comme The Tallest Man on Earth, où en effet la filiation semblait évidente. Il se plait d’ailleurs à citer Daniel Johnston chantre d’une musique alternative folk et lo-fi. Une musique pleine d’imperfections à base de chant imprécis et de guitare désaccordée, mais par conséquent sans filtre et plus honnête. Selon lui, la musique pop et amplifiée à encore quelque chose à dire et un rôle à jouer sur la scène culturelle, et on ne peut que lui donner raison. Aujourd’hui, sa musique lorgne progressivement vers l’expérimental, comme en témoigne déjà son single. Des percussions électroniques et industrielles, une guitare lointaine et saturée qui bat au rythme des intonations du chanteur, un leitmotiv entraînant, des paroles âpres, on est bien loin d’une combinaison guitare/voix classique accentuée de mièvrerie. Récemment encore, il a été marqué par la musique de Hanne Hukkelberg, figure de l’art rock.
En parlant d’expérimentation, retour à Neimënster, dans l’une des salles voutées du rez-de-chaussée. Six projecteurs rectangulaires sont disposés au fond de la pièce. Devant cette installation de lumières, à gauche, un tapis sur lequel se tient debout Georges Maikel. Pull ample et pantalon de jogging. À droite, Bartleby Delicate, longs cheveux détachés, sa guitare électrique en bandoulière. Il traficote son matériel et construit grâce à un séquenceur une rythmique, puis une mélodie lancinante. Les spots lumineux s’enclenchent à tour de rôle, une légère fumée éclairée par une lampe bleutée se disperse au contact du chanteur. C’est dans cette atmosphère nébuleuse que Georges Maikel danse au rythme de la musique. Les morceaux, tous issus du répertoire du musicien, ont été choisis par le duo afin de créer un fil rouge, de développer une narration sur laquelle le danseur s’intercale, créant des personnages. Danse jazz, mouvements non pas désarticulés mais d’une fluidité prenante.
Après une ovation, quelques spectateurs demandent un rappel. Ce n’était pas prévu, les deux artistes ayant épuisé toutes leurs ressources se creusent les méninges. Après une minute assez cocasse et quelques interactions avec le public, particulièrement réceptif, un rappel improvisé est donné. Quelques nouveaux fans viennent féliciter le musicien, très humble. Il est tombé sur une audience bienveillante.
Lorsqu’il lui arrive de se retrouver face à un auditoire désintéressé, il avoue ne jamais se positionner en moralisateur, n’étant pas l’ennemi du public. Il cherche des solutions, propose des ultimatums ou une contre-force et en général, ça paye. La soirée se poursuit au de Gudde Wëllen. Bartleby Delicate sera en tournée en Allemagne à partir de mai (plus d’informations sur bartlebydelicate.live).