C’est probablement le premier samedi ensoleillé de ce printemps 2010. Au parc municipal, les enfants jouent et crient, des couples endimanchés traversent l’avenue Monterey direction centre-ville. Une ambiance positive et décontractée est dans l’air, quelque chose de nonchalant – c’est exactement le bon moment pour écouter Lollypopp, probablement la meilleure émission de musique de tout le paysage radiophonique luxembourgeois. Depuis la rentrée d’automne 2009, Mike Tock, quatorze ans d’ancienneté à la radio, et Yves Stephany, free-lance depuis deux ans, réalisent cette tranche difficile du samedi, de 14h30 à 17 heures, où les auditeurs ont envie d’être animés sans prise de tête. « L’idée est simple, résume Yves Stephany : nous voulions offrir une réelle alternative aux autres programmes ». Qui, majoritairement, proposent des émissions de charts, hitparades et autres bestsellers sur cette tranche-là.
Car cela ne fait pas de doute : la musique est la vraie raison du succès de Lollypopp (bien qu’il n’y ait pas de chiffres officiels sur l’écoute de l’émission, le bouche-à-oreille la plébiscite). À l’heure où les radios privées commerciales font calculer leurs playlists idéales par des logiciels, selon des algorithmes complexes prenant en compte des paramètres comme la popularité des chansons ou leur année de parution, Mike Tock et Yves Stephany font un travail de défricheurs et de passionnés de musique, qui font découvrir de nouvelles tendances, expliquent l’émergence d’un style ou d’un groupe – et surtout : jouent la musique ! – à l’image de ce que fit le légendaire John Peel en Angleterre, toutes proportions gardées,.
« Ce n’est pas facile, concède toutefois Mike Tock, car le budget d’acquisition de CDs de la radio est extrêmement limité, et en plus, nous devons le partager avec les autres services ». Alors ils improvisent : par terre, une de ces boîtes vertes de la Poste déborde de disques visiblement choisis à la va-vite dans la collection privée de Mike Tock. À cela s’ajoutent les compilations gratuites publiées par les magazines de musique spécialisés, Les Inrockuptibles ou Trax français, le Spex allemand – une mine d’or pour tous les fans de musique. « Par le fait qu’il n’y ait pas de responsable de la programmation musicale à la radio, nous avons beaucoup de liberté dans le choix de notre musique, une liberté dont nous profitons au maximum, » concède Yves Stephany.
Le concept de l’émission ? « Nous amuser et entretenir nos auditeurs, » lance Mike Tock. Lollypopp a été créée à l’initiative du directeur de 100,7, Fernand Weides, qui voulait offrir un programme d’infotainment avec un certain niveau, de l’animation et beaucoup de musique, sur cette tranche du samedi. Profitant d’une vaste campagne de promotion, t-shirts, annonces dans la presse et même sur l’arrière des autobus, Lollypopp a vite pris son envol. Or, ce qui constitue son originalité et fait tout son charme, c’est l’animation bicéphale, en dialogue décontracté entre Mike Tock et Yves Stephany, qui se connaissent et se côtoient aussi dans une autre vie, privée, en tant que musiciens de Metro (Mike Tock y est batteur, Yves Stephany à la guitare et aux claviers). « Mais nous séparons strictement les deux choses, affirment-ils en duo, et nous ne jouons jamais notre propre musique à la radio ! »
Jean, pantalon de survêtement bleu ciel, chemise à carreaux, coiffures modeuses soignées, côtelettes et baskets – les deux animateurs sont résolument pop eux-mêmes et vivent dans leur temps. Ils sont Zeitgeist, ils ressemblent à leur public ; créatifs, consommateurs assidus de CDs et de concerts, deejays, musiciens, acteur (Mike Tock) ou photographe (Yves Stephany)..., ils multiplient les identités et les champs d’action, véritables citoyens du XXIe siècle. Qu’ils veuillent transmettre leur passion pour la musique et les phénomènes de culture populaire est donc davantage une attitude que seulement un métier bien fait. Et cela s’entend. Écouter Lollypopp est un plaisir, car on y découvre toujours l’un ou l’autre groupe, on y retrouve des chansons accrocheuses, on se fait rappeler l’agenda des concerts du mois – avec toujours ce petit plus, comme les commentaires parfois impertinents, parfois sympathiques, mais toujours frais des deux animateurs – où on peut apprendre des choses sur notre temps et les gens qui le font.
La deuxième raison du plaisir qu’on a à écouter Lollypopp est justement cette double animation : Mike Tock et Yves Stephany passent avec un naturel incroyable à l’antenne. Ils peuvent très bien dire qu’ils viennent de se lever à 14 heures et on les croit – et cela fait sourire au lieu d’agacer. Alors que le paysage des médias est de plus en plus formaté, que tout se ressemble, ils offrent un mélange entre la nonchalance du web et le professionnalisme des grands médias publics. « Une émission doit toujours avoir sa propre dynamique et sa dramaturgie, raconte Mike Tock. Je commence par une chanson plus catchy (entraînante), et je termine par deux ou trois morceaux plus calmes, pour nous séparer en douceur. » Une plage d’interviews permet d’approfondir un sujet, de présenter un créateur ou un projet. « Nous voulons éviter de paraître égocentriques, » souligne encore Mike Tock. C’est pour cela qu’ils jouent certes la musique qu’ils aiment, mais dans un spectre très large du pop-rock. Où on apprend ça ? « On ne l’apprend pas, répond Yves Stephany. On le fait ».