On sait que le galeriste Gérard Valerius aime les artistes qui ont une expression puissante, spontanée, colorée et les grands formats. La présente exposition de Julien Saudubray en est une nouvelle preuve. Il y a deux ans, il avait présenté sa première série monographique, Watching. La deuxième est en quelque sorte une invitation à voir grandir le travail du peintre, à assister à son évolution.
Julien Saudubray est né à Paris en 1985, il est sorti diplômé de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA) en 2015, il vit à Bruxelles et choisit de se mettre dans les pas d’un peintre… arlésien d’adoption : Vincent Van Gogh. C’est ce qui lui inspire le titre mystérieux de l’exposition, L’entrain du Marseillais. « Je suis en train de peintre avec l’entrain d’un Marseillais mangeant la bouillabaisse, ce qui ne t’étonnera pas lorsqu’il s’agit de peindre des tournesols » est en fait la phrase entière d’une lettre de Vincent à son frère Théo Van Gogh. Et c’est bien d’entrain qu’il est question ici aussi, car les murs de la Valerius Gallery sont éclaboussés de jaune, de formes organiques que l’on peut appeler florales ou des solaires. C’était effectivement, dans le cas de Van Gogh, l’origine de sa recherche picturale de ses deux séries de tournesols et aussi son cheminement fatal vers l’astre solaire…
Julien Saudubray est loin, tout d’abord par l’époque, de Van Gogh : Les Tournesols datent des années 1887-1889. On connaît tous leurs touches épaisses, puissantes. Conceptuellement certes, on peut voir dans les travaux de Julien Saudubray, un exercice de recherche et de répétitivité, à base d’un organisme floral, comme le fit Van Gogh. Mais il nous semble que le rapprochement s’arrête là. Dans la série précédente, Watching, on avait vu des formes oblongues tendant vers l’ovale, superposées, rappelant des yeux. Pour Julien Saudubray, c’était encore trop formaliste et Growing est, partant d’un noyau floral ou solaire, une expansion qui tend à pousser et envahir toute la toile, voire lui échapper.
La similitude avec la gestuelle de la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker évoquée par le peintre lui-même, est juste : libre et maîtrisée. Car la technique est à la base du processus est juste, plus proche de l’aboutissement des tableaux. En général, les « secrets de cuisine » restent tus, mais laissons disserter Gérard Valerius sur ce qui fait la série Growing. Tout d’abord, il y a le geste au trait, pastel sec large et ample, mené à main libre. Ainsi se dessinent le cœur des fleurs (ou des soleils) et leurs pétales (ou leurs rayons). L’intérieur des parties ainsi cernées, sont recouvertes uniformément à la peinture à l’huile mais on ne voit aucune épaisseur, aucune aspérité. Sur la toile très fine, le « truc », c’est un passage uniforme à la térébenthine, qui assure la dissolution formelle, si tant est qu’il y en a une, car Growing est une série abstraite.
Le dernier élément technique, la texture de fond, qui est habituellement la première à être mis en œuvre sur une toile, est la dernière que Julien Saudubray réalise. Orange comme un ciel au soleil couchant, ocre comme la terre quand on regarde des fleurs du dessus ou bleu comme un horizon d’azur. Mais quel était encore le but de Julien Saudubray ? Sortir de tout rapprochement formaliste possible en tendant vers l’organique, l’expansion.
Les toiles (entre 200 x 280 cm ou 200 x 200 x 180 cm) ont pourtant une sorte de tige. C’est la colonne vertébrale, toujours centrale, qui visuellement suggère un mouvement ascensionnel. Ainsi, tout pousse et croît. Growing, après Watching, c’est l’aboutissement que Julien Saudubray recherchait.