Après les photographies d’Olivier Christinat, la Galerie Vis-à-vis poursuit son travail de défrichage en invitant Max Renkel, artiste allemand évoluant ces dernières décennies sur la scène romaine après être passé par l’école des Beaux-Arts de Hambourg. Né à Munich en 1966, Max Renkel est artisan, peintre, sculpteur ; depuis 1988, il a pris part à une soixantaine d’expositions, en Europe et aux États-Unis. Seules une quinzaine de tableaux et deux très belles sculptures de sa production la plus récente (2023) ont fait le voyage jusqu’à Metz pour l’exposition Laconics Icons.
Il est toujours difficile de nommer ce que l’on perçoit quand cela ne se rapporte à rien de ce que l’on connaît ; les mots manquent pour désigner ce que les images disent avec tant d’aisance et d’ineffables subtilités. Cela vaut particulièrement dans le cas de Renkel, dont les étranges toiles systématiquement dépourvues de titre semblent toujours flotter dans une zone indéterminée, entre figuration et abstraction. À défaut d’identifier ce qui est représenté, on peut toujours les rapprocher de choses qui ont été consignées par l’histoire de l’art. On songe en effet, devant ces formes aqueuses ou végétales par lesquelles débute le parcours, aux découpages de Matisse. Mais contrairement au Français, les couleurs perdent leur éclat chez Renkel pour adopter une austérité générale : y dominent des tons sombres (gris, noir, beige), à l’exception du noir et blanc arboré par le tableautin vertical qui accueille à l’entrée le spectateur.
Au bout de l’allée, la niche est l’emplacement habituellement réservé aux exemplaires les plus remarquables de la manifestation. Ainsi en est-il de ce tableau de dimension plus grande que les précédents, exceptionnel par sa ligne rouge vaporeuse, sans doute obtenue par pulvérisation à l’aérographe, qui se hasarde sur un fond beige uni, esquissant une diagonale capricieuse, comme toute chose placée sous le sceau de l’aléa. Une même approche prévaut dans d’autres tableaux, où la peinture acrylique est soufflée à la paille, mais en renouant cette fois-ci avec des tons sombres (gris, noir) qui réduisent tout effet de contraste. Cet ensemble de tableaux est encadré de part et d’autre par deux magnifiques sculptures. L’une, noire et en bois, est finement fendue en son milieu, totem qui semble renfermer le secret de l’artiste allemand. Autre merveilleuse sculpture, la seule qui soit pourvue d’un titre (uki, 2023) : une tête aux traits doux et parfaitement symétriques réalisée en résine synthétique et en poudre de pierres roses.
Dans la salle suivante se déploient d’autres facettes de la production de Max Renkel, décidément marquée par le potentiel plastique des matières. Parmi les bizarreries rencontrées en chemin, on trouve de petites gravures au motif incertain appliquées sur du papier de soie : une technique pour le moins rare, pour ne pas dire virtuose, quand on sait que la technique de la lithographie requiert habituellement un papier épais pour faire se superposer plusieurs couches d’impression. Plus avant, plusieurs peintures à l’acrylique s’attaquent aux stéréotypes attachés au corps féminin, que Renkel déconstruit en le synthétisant ou en le morcelant à l’excès. On y décèle une posture lascive sur le dos, quand les autres toiles se remplissent de formes organiques sombres, ponctuées de rehauts de blanc. Autre curiosité enfin : cette figure une fois de plus non identifiable, dont l’artiste affirme pour la première fois la qualité de volume en en soulignant la part d’ombre ; l’objet, qui rend visibles les traces du pinceau, est d’autant plus étonnant qu’il est isolé de tout contexte narratif et qu’il arbore une couleur rose-beige qui dénote et entretient le mystère à son endroit. Max Renkel est un magicien : sa peinture échappe au langage comme aux catégories de l’art.