Karim Meguellati n’aime pas la mode. Il lui préfère le chic. Et les traits des patrons qu’il dessine depuis des années suivent cette ligne. Des coupes classiques mais pour des femmes d’aujourd’hui. « L’élégance doit se porter dans la rue et pas uniquement sur les podiums », assène-t-il du haut de sa droite silhouette.
À 37 ans, et cinq défilés dans son trousseau, le couturier n’a pas encore sa propre collection. Mais déjà un style. Sobre, raffiné et toujours avec un soin particulier apporté aux accessoires. Une passementerie accrocheuse, un bouton peu commun, une fermeture zip à nulle autre pareille et voilà ses tenues qui – discrètement – sortent du déjà-vu. Jamais de tape-à-l’œil mais toujours de quoi accrocher le regard au-delà de la silhouette.
Sur un portant, ses bombers jacquard, perfectos tweed, jupe-pantalons en crêpe ou lavallières en soie témoignent de la diversité de son travail, de son coup d’œil et de sa maîtrise dans le mariage des tissus, des formes et… des usages du vêtement. « Car la première fonction n’est pas le paraître mais bien l’usage. On ne choisit pas une coupe, une matière ou une allure de poche juste pour faire joli », signe ce gamin de Paris.
Car oui, avant la Gëlle Fra, il y eut la Tour Eiffel dans l’univers de celui qui se revoit comme un « petit garçon introverti ». Un adolescent qui s’est longtemps réfugié dans ses portraits de chanteuses, d’actrices et de mannequins avant de débuter comme… assistant commercial. « Clairement, on s’éloignait du rêve de devenir couturier. »
Le jeu de l’amour et du hasard lui fera quitter la France pour s’installer au Luxembourg. Pas juste un changement de capitale, plutôt une métamorphose. « Aujourd’hui, je peux m’affirmer comme créateur de mode et conseiller en image !» Pour un peu, on aurait envie d’ajouter « tailleur » à sa liste de métiers tant le jeune homme aime à vanter le bel ouvrage, les coutures cachées, les froissés discrets qui font de ses pièces des trésors de savoir-faire.
« On oublie que le prêt-à-porter n’a même pas un siècle dans l’histoire du vêtement. Ce qui a traversé les âges, c’est bien le sur-mesure. » Et à peine le message balancé, voilà le discret garçon qui sort de sa réserve, hausse d’un ton et brode le plus convaincant des argumentaires pour sa profession : « Le sur-mesure, c’est un vêtement qui va durer (donc moins de gaspi). Un vêtement qui sera fait par quelqu’un près de chez soi (donc pas d’emplois délocalisés). J’invite chacun à bien réfléchir aux réelles économies réalisées en achetant du prêt-à-porter bas de gamme. Ce système fait travailler qui, où, à quel salaire et pour quel impact sur la planète ? »
Sitôt la fast-fashion épinglée, !a voix se refait douce, le verbe ralentit. Et Karim Meguellati de rêver, un jour, de croiser l’ange gardien qui pourrait donner des ailes à ses modèles. « Il faut du talent pour concevoir, créer mais il faut de l’argent pour diffuser, faire connaître. Un créateur sans investisseur, c’est peu de chose. » Lui veut croire en sa chance, croire qu’il trouvera ce pygmalion tel l’aiguille dans la botte de foin. Alors, qui sait, il pourra vivre un destin à la Jacques Azagury, ce jeune modiste qui a eu le privilège d’habiller la princesse de cœur de Karim, Lady Diana. « A-t-on jamais vu femme mieux vêtue et tellement dans son époque ? Non… » So, god save the chic !