Sont mis en vente simultanément depuis peu, deux projets de l’Orchestre national de jazz Luxembourg, l’organisme étant plus prolifique que jamais. Fondé en 2005 notamment par le célèbre trompettiste luxembourgeois Gast Waltzing, par ailleurs compositeur de musique de films un certain temps, celui qui a encore dirigé l’excellent projet Angelique Kidjo sings with the Orchestre philharmonique du Luxembourg ayant raflé le Graal en début d’année, le Grammy Award du Best World Album. L’ONJL aux bases solides donc s’est lancé la noble tâche d’explorer ou plutôt d’exploser le répertoire musical Luxembourgeois, par le biais du premier projet D’Pierle vum Da, enregistré en 2015 à l’abbaye de Neimënster. Mais aussi de mettre en avant le jeune violoniste Jean-Jacques Mailliet, en publiant un opus portant son nom, enregistré en 2014, lorsque le prodige, n’ayons pas peur du mot, était âgé de seize ans à peine.
Le premier CD, D’Pierle vum Da, qui est par ailleurs le titre de l’introduction, une reprise d’une œuvre d’Edmond de la Fontaine mieux connu sous le nom de Dicks, comporte neuf titres au style big band, tous puisés dans le répertoire du Grand-Duché. Un projet énergique apportant une certaine joie de vivre, mais à petites doses cependant. L’écoute entière et d’une seule traite de l’album pourrait en rebuter plus d’un. Cette particularité d’écouter de la musique d’un autre temps, d’une sympathique ringardise sans nom offre à la fois un plaisir coupable, malheureusement une certaine lassitude vient s’agripper. De la musique où la trompette est reine. Reste néanmoins le troisième titre D’Hechtercher aus der Stad, relaxant et smooth à souhait. Un projet sincère, encore une fois honorable, mais qui ne fera probablement pas date dans le genre.
Le deuxième CD comporte quant à lui tous les ingrédients d’une recette musicale intrigante. Composé de huit titres, toutes des compositions originales de Jean-Jacques Mailliet, alors jeune élève au Conservatoire dans la section Jazz. Avant toute chose, on ne peut que saluer l’initiative de l’ONJL d’offrir à un jeune musicien prometteur cette superbe opportunité de voir le fruit de son travail matérialisé sous forme de disque. Et quel disque ! En mettant de côté l’aspect extérieur qui semble amateur, ce qu’il comporte est un cocktail détonant de jazz, de funk, de sonorités africaines, se mixant avec le violon assuré de Jean-Jacques Mailliet. Sa jeunesse apporte évidemment de la modernité, qui était absente dans D’Pierle vum Da. Il est difficile de savoir si ce disque sera considéré comme un standard luxembourgeois dans plusieurs décennies, dans tous les cas certains titres ont le mérite de rester en tête après une seule écoute, alors qu’on oublie à l’instant D’Pierle vum Da, on y revient encore.
Il existe pour certains une certaine sensibilité concernant les introductions d’un disque, tout comme les premiers plans d’un film, qui seront dans un sens déterminants pour tout ce qui va suivre. Ici, Floating over antartica est grandiose, les autres titres sans doute un peu moins, mais quand bien même. Ce premier titre nous pousse à explorer le reste du disque qui confirme la noblesse de l’ONJL d’offrir à de jeunes musiciens des opportunités, encore et toujours. Un projet qui est une nouvelle pierre à l’édifice du jazz luxembourgeois de notre encore jeune siècle, si méconnu du grand public mais bouillonnant de nouveaux talents, et ça fait plaisir, tout simplement. La procuration de ce disque, sobrement intitulé Jean-Jacques Mailliet est nécessaire, ne serait-ce que pour soutenir un organisme qui n’a de cesse de faire vivre, revivre, ou survivre (cela dépend du point de vue de chacun) la culture musicale autochtone.