Après avoir produit des albums à succès pour différents groupes au début des années 1990, dont notamment le mythique Nevermind de Nirvana, le batteur Butch Vig voulait de nouveau passer à la pratique. Il se lança avec son associé Steve Marker et leur ami Duke Erikson dans des remixes pour des groupes tels que U2, Depeche Mode ou les Nine Inch Nails. De là est née l’idée de mettre en œuvre cette logique du mélange de genres au sein d’une propre formation. Le nom de celle-ci fut trouvé à travers un qualificatif utilisé par une personne scrutant leur projet d’un œil très critique : Garbage. Après plusieurs sessions studio avec Vig au chant, les trois musiciens, qui avaient déjà collaboré auparavant au sein du groupe Spooner, décidèrent qu’une voix féminine porterait bien mieux leur nouveau son.
C’est par hasard que Steve Marker tombe alors sur l’unique diffusion du clip Suffocate me de Angelfish dans l’émission 120 Minutes, diffusée par MTV. La chanteuse charismatique Shirley Manson le marque au point qu’il propose aux autres membres du groupe de la rencontrer. Pas à l’aise au sein d’Angelfish, l’Écossaise à la voix de contralto tente le tout pour le tout et part alors pour les Smart Studios à Madison dans le Wisconsin, où elle se sent très dépaysée dans un premier temps. Marquant un contrepoint intéressant au grunge largement dominé par les voix masculines et menant la pop dans des contrées plus anti-conformistes, leur premier album (Garbage, 1995) se vend à plus de quatre millions d’exemplaires.
Vingt et un ans et une longue pause (entre 2007 et 2011) plus tard, le groupe s’apprête à sortir son sixième album, intitulé Strange Little Birds et entame une nouvelle tournée qui les mènera aussi au Luxembourg mardi prochain. Nous avons eu l’occasion de rencontrer Garbage lors du premier concert, à La Cartonnerie de Reims.
Interrogé sur les débuts du groupe, le guitariste et keyboarder Duke Erikson se rappelle la toute première apparition de Garbage sur scène : « C’était à Minneapolis dans un petit club appelé The 7th Street Entry et nous étions morts de trouille. On ne savait pas trop ce qu’on faisait et on a rencontré quelques problèmes techniques. En arrivant à la salle, on était tout excités de voir une queue qui faisait le tour du pâté de maisons. Mais on a vite réalisé qu’ils attendaient pour le concert d’une autre formation dans une salle à côté. » « Nous étions un groupe de studio au départ, rajoute Steve Marker, et on a dû apprendre à jouer sur scène. On a enregistré notre premier album et on a décidé seulement après qu’on voulait jouer en public. C’est l’inverse de la plupart des groupes. Mais entretemps, on a joué tellement de concerts qu’au bout d’un moment en studio, on a hâte de présenter nos nouvelles chansons directement. »
Ces vingt ans d’expérience les ont également amenés vers un processus créatif différent, comme l’explique Shirley Manson : « On ne se coupe plus du monde pendant des mois pour écrire et enregistrer des chansons. On travaille par tranches de deux semaines entre lesquelles on fait des pauses pour prendre de la distance et revenir avec un regard plus objectif sur ce qu’on a créé. » Sur l’évolution de l’industrie du disque la chanteuse ne mâche pas ses mots : « C’est toujours la même chose, un grand business où l’on exploite l’envie de l’artiste d’être entendu. (...) Entretemps, nous sortons nos disques à travers notre propre label (Stunvolume ndlr), donc nous n’avons plus ce genre de problème. » Pourtant elle ne veut pas totalement exclure une future collaboration avec un grand label : « On a aussi appris à ne jamais dire jamais. »
« De nos jours, les réseaux sociaux permettent aux jeunes artistes d’être visibles sans recours à un label. Un bon exemple ? The Pearl Harts, le groupe qui va faire la première partie ce soir. Ils ont contacté Shirley via Instagram et on a aimé leur musique. » précise Steve Marker. En effet, le choix s’avère extraordinaire, car quelques heures plus tard, sur la scène de la Cartonnerie, le duo The Pearl Harts décoiffe. Derrière leur apparence de jeunes étudiantes, les deux femmes de Londres cachent du rock aux riffs durs et entrainants qui mettent la salle dans l’ambiance pour la grande bête de scène de la soirée, Shirley Manson. L’anti-princesse aux cheveux roses interprète les classiques de Garbage ainsi que quatre chansons du nouvel album avec une verve et une intensité qui expliquent déjà une bonne partie de 20 ans d’existence du groupe.
Butch Vig, absent de cette première partie de la tournée pour des raisons de santé, se fait dignement remplacer par Matt Walker, ancien batteur de Filter et des Smashing Pumpkins. Le public luxembourgeois peut donc se réjouir de retrouver Garbage, qui avaient joué déjà à l’Atelier lors de leur toute première tournée en 1996.