À plus de deux mois de la fin de l’année scolaire, s’il est encore un peu tôt pour acheter les cartables, cahiers et classeurs qui feront la joie des enfants (et des papeteries), il est déjà temps de se pencher sur l’agenda culturel de la prochaine saison : le théâtre ou l’opéra c’est comme le football et les études, l’année démarre en septembre et se termine en juin. Mais, là, pas de tirage au sort pour savoir qui est qualifié, pas besoin d’examen pour déterminer qui sera admis dans la classe supérieure : les programmes des festivités sont déjà parus, les premières affiches déjà placardées pour nous inviter à réserver dès à présent les soirées que nous ne passerons, donc, ni à faire réviser la grammaire allemande à nos enfants, ni à regarder les matches de la Champion’s League.
Difficile de savoir déjà, un an à l’avance, ce qu’on pourra faire le 18 avril ou le 23 février 2015 sans avoir des dons de voyance pour le moins avancés, ou un agenda plat comme l’électro-encéphalogramme d’une courgette. Pourtant, il est effectivement conseillé de planifier ces sorties dès à présent (et encore, il est peut-être déjà trop tard). Tel le moine chinois qui remplit un pot de pierres devant ses disciples et leur demande s’il est plein, puis ajoute du gravier jusqu’en haut, avant d’y glisser plusieurs poignées de sable, et enfin une bonne quantité d’eau, les adeptes de la gestion du temps savent bien qu’il faut commencer par figer les activités qui vont prendre plusieurs heures dans votre calendrier, sans quoi il devient impossible de les caser entre une réunion qui se prolonge et les courses à faire au Cactus. Du coup, vous seriez tenté de gérer les places pour une représentation théâtrale comme vous le feriez d’une séance de cinéma : une semaine à l’avance. Un mois s’il faut trouver une baby-sitter disponible. En tout cas, après que vous aurez réservé des vacances ou organisé la première communion du petit.
Malheureux ! Au Luxembourg, les places sont chères. Et il n’est pas question des tarifs hallucinants que pratiquent aujourd’hui les têtes d’affiches (plus de 90 euros la place pour le Cirque du Soleil ou pour Stevie Wonder, on se rapproche des tickets à trois chiffres nécessaires pour voir Britney Spears à Las Vegas venir prendre une Margarita à votre table). Non, les places sont chères dans le sens où elles sont limitées. Au bout de quelques semaines après l’ouverture des abonnements, il n’est pas rare que l’on vous réponde que les spectacles sont complets.
Les vieux routiers de la culture vous expliqueront que c’est toujours un progrès par rapport à la situation d’il y a quelques années, où les places étaient tout simplement inexistantes car il n’y avait pas de spectacle. Du temps où l’Atelier n’existait pas encore. Où l’acier des hauts fourneaux était le seul métal que connaissait Esch-sur-Alzette. Où le Grand Théâtre était en rénovation. Où les rotondes n’étaient pas carrées (ceci dit, elles devraient redevenir rondes, et retrouver la gare, à la fin de cette future saison, si les dieux des travaux publics sont cléments). À condition de s’y prendre en avance, il est possible de se préparer à une belle série de spectacles, même si tout n’est pas parfait.
Pour la Philharmonie, vous ne pouvez pas panacher votre abonnement : soit vous aimez le jazz et vous vous tapez tout le programme de jazz, soit vous aimez le baroque et vous vous tapez tout le programme de baroque, soit vous aimez les grands ensemble et, bref, vous avez compris. Il faut croire qu’il serait saugrenu d’avoir envie d’écouter Herbie Hancock, le London Philharmonic orchestra et Hélène Grimaud.
Pour les spectacles jeunes publics, si vos enfants ne sont pas trilingues, il faudra slalomer entre les connaissances linguistiques requises, un enfant ne comprenant rien à ce que dit un acteur, même dans une pièce formidable, risque rapidement d’être aussi pénible qu’un téléphone portable qui sonnerait… Et qu’on ne pourrait pas éteindre (surtout s’il est assis sur les petits coussins tout devant, hors d’atteinte de vos injonctions de se calmer).
Et puis, avec un peu de chance, il restera quand même quelques places à la billetterie du soir, pour le spectacle que vous aurez loupé. Même dans ce cas, avoir réservé les dates dans votre emploi du temps personnel dès à présent vous donnera le temps de faire des heures supplémentaires, d’aller faire des courses ou rattraper quelques épisodes d’une série que vos collègues ont tous déjà vue.