Le mois de mars, en cette année 2014, nous aura apporté de bien belles journées ensoleillées, pleines de douceur, de fleurs qui s’épanouissent en avance, de gazouillis d’oiseaux et l’annonce, selon une étude financée par la NASA, que la fin du monde est pour bientôt. Cette fois, c’est sûr. Selon cette étude, relayée par le Guardian, notre civilisation court à sa perte pour cause de dérèglement du climat, de démographie incontrôlée, d’épuisement des ressources naturelles et d’accroissement des inégalités économiques, comme, avant elle, les civilisations romaine, maya ou sumérienne.
Alors, évidemment, ce ne sera pas la première fin du monde à laquelle nous risquons de survivre. Mais, il faut le reconnaître, ces dernières semaines, les signes d’un inéluctable déclin se sont multipliés : on nous annonce que nos autoroutes ne resteront plus éclairées toute la nuit, que le taux de TVA va augmenter, que le secret bancaire vit ses dernières heures. La coopérative de Bonnevoie a déjà fermé ses portes. Que reste-t-il de notre culture ?
Il ne nous reste, justement, que des facteurs contribuant à notre chute, qui est promise à une accélération certaine. Prenons, par exemple, le réchauffement climatique. Que fait-on quand les températures augmentent, dans nos riantes contrées ? On se promène en voiture décapotable, pour dégager un peu de CO². Ou, pire, on allume un barbecue avec des amis pour faire griller des saucisses. Et, là, écologiste ou pas, vous pouvez faire une croix sur la neutralité de votre empreinte écologique. Premièrement, qui dit saucisse, dit viande. Qui dit viande, dit élevage. Qui dit élevage dit souffrance animale, pollution, antibiotiques. Qui plus est, qui dit saucisse grillée dit barbecue. Et là, que vous soyez adepte du modèle avec ou sans couvercle, au gaz, électrique ou au charbon, partisan du modèle maçonné en pierres de taille scellé sur la terrasse ou de la version légère en métal transportable sur les rives du lac d’Esch-sur-Sûre, vous êtes coupable de pratiquer la seule activité de plein air qui soit aussi nocive pour votre santé que pour l’environnement.. La combustion des graisses animales au contact des flammes génère, en effet, des substances cancérigènes. Et, pendant le même temps, vous répandez beaucoup plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère pour préparer votre repas qu’il n’en faudrait si vous mangiez du tofu bouilli et de la salade verte, ce qui serait d’ailleurs bien meilleur pour votre taux de triglycérides que cette épaisse Mettwurscht que vous engloutirez recouverte de moutarde ou de ketchup. Résultat : plus il fait chaud, plus vous faites des barbecues, plus vous faites des barbecues plus il fait chaud. Et donc plus vous avez envie de barbecues.
Une autre possibilité pour contribuer ensemble à ce que les printemps soient de plus en plus précoces consiste, évidemment, à installer une piscine dans son jardin. Là aussi, le bilan écologique est désastreux. Vous allez consommer de l’eau, voire de l’énergie pour la chauffer et, de toute façon, des produits d’entretien qui se déverseront, tôt ou tard, dans les nappes phréatiques. Bref, à part se lancer dans l’exploitation des gaz de schiste au fond de son jardin, ou tondre sa pelouse avec un Hummer, il semblerait que nous ayons choisi, consciemment ou non, les activités de plein air qui sont les pires pour la nature.
Alors faut-il vraiment ranger ses pics à brochettes, détruire les grills installés par la commune au Kockelscheuer et et annuler les invitations pour le week-end prochain ? Ce n’est pas évident. L’étude évoquée dans le Guardian indique aussi qu’une des maigres possibilités de faire mentir le modèle mathématique qui prévoit notre déchéance serait de réduire les inégalités entre les « élites » (comprendre, les plus riches) et les « masses » (comprendre, le commun des mortels) plutôt que de compter sur le progrès technologique et scientifique pour assurer la survie de l’espèce. Et, là, justement, quoi de plus démocratique et anti-technologique que de se mettre torse nu, aller à la station-service acheter un sachet de charbon, un casier de bières et deux paquets de saucisses pour passer l’après-midi à ne rien faire que discuter, manger, boire et jouer avec ses enfants.
Un retour de notre civilisation à l’âge du feu, en quelque sorte.