Katia Mariucci a toujours navigué entre cette chaleur d’être Italienne, avec tout la classe que cela implique et la distance luxembourgeoise d’adoption – celle qui permet justement de savoir très tôt que soit on peut s’habituer à une vie matérielle confortable avec des escapades plus ou moins luxueuses, soit jamais on ne trouvera sa place ici et on découvre de ce fait peut-être plus facilement son cheminement, qu’il soit intellectuel ou spirituel.
Le parcours scolaire de Katia s’est fait à l’École européenne. Jeune adolescente, déjà, devant la Poste parfois (comme tout le monde), elle rêvait d’être différente, et elle l’était avec ses longs dreads – une jeune bohémienne bien affirmée qui ne se doutait pas du charme qu’elle pouvait distiller autour d’elle. En tous cas, elle n’en usait pas, la tête bien ancrée sur ses épaules. Elle et sa sœur, Marika, ont toutes deux été éduquées dans le respect du travail bien fait et de l’effort fourni. Katia a suivi des études de lettres pour travailler ensuite pour différentes boîtes, tout en sachant pertinemment que le reste du monde devait être compris, saisi, et ce uniquement par son propre prisme. En somme, les lectures et ce que révélaient les médias sur les autres ne lui suffisaient en aucun cas. Notamment en ce qui concerne l’Asie. Et à l’âge de vingt ans, elle a effectué son premier voyage en Inde. Dès lors, elle a toujours vécu entre l’Europe et l’Asie – plus particulièrement en Inde. Ce qui est intéressant et moins banal, c’est qu’il ne s’agit pas pour elle de se trouver elle-même, comme font bon nombre de gens paumés, mais il s’agit bien plus de trouver les autres, leur culture, leurs coutumes, leur respect et leur perception de l’élégance.
« J’ai tout plaqué sans trop réfléchir (autrement je ne l’aurais probablement pas fait) et j’ai commencé à vivre ma vie comme moi seule l’entendais, je voulais créer de belles choses, mais pour cela j’avais besoin d’aller chercher les idées ailleurs ainsi que les gens. Et il était nécessaire et pressant pour moi (comme une évidence), de parcourir tous ces endroits merveilleux et essayer d’en découvrir les secrets, en capter les trésors, les coutumes et les rituels. Je partage mon temps entre l’Europe et l’Asie prenant de chaque culture ce dont j’ai besoin pour établir un équilibre, surtout dans mon travail. J’aime les détails, la grâce. l’élégance, la subtilité, la simplicité des choses, l’art et le respect... c’est avec toutes ces petites choses et beaucoup d’amour qu’est né homestreethome, il y a quelques année en Inde. »
Après avoir rencontré Alvaro Perez, son partenaire, l’idée fut celle de développer un centre de workshops pour permettre aux gens défavorisés de travailler et contribuer à rompre avec le système de castes. « Or, parce que nous allions davantage soutenir la corruption, qui dans ce pays règne peut-être encore plus qu’ailleurs, nous avons été obligés d’y renoncer, mais c’est bien de cette profonde admiration pour les habitants de ces rues que vient le nom de homestreethome, notre marque de vêtements », nous raconte-elle concentrée. Homestreethome est plus particulièrement axé sur la confection de robes dont la plupart sont longues, légères et colorées dans un esprit bobo chic, aux prix abordables.
Son approche se fonde toujours sur la bonne relation qu’elle cultive avec les gens qu’elles rencontre et dont elle est curieuse, toujours. Elle admet l’échange, surtout en ce qui concerne le travail avec autrui. Mais Katia avoue aussi qu’il est loin d’être évident d’établir des liens personnels et professionnels lorsque survient cette barrière entre cultures fondamentalement opposées. Pour elle, la solution est « l’ouverture d’esprit, car il y a plusieurs façon de bien faire les choses. » Hormis la passion et le dévouement, le fait de créer des vêtements dans ces conditions, il faut accepter l’échange constant, le partage de savoir, le respect mutuel, un apprentissage sans fin et beaucoup de patience.
« Un énorme travail sur soi-même et sans aucun doute le meilleur choix de ma vie ! Je suis de plus en plus satisfaite du résultat, je m’identifie pleinement avec ce que je crée, ça me correspond tout à fait. C’est ma façon de m’exprimer, de traduire mes émotions, car le style symbolise des choses profondes et n’en dévoile pas moins. »
La sélection des tissus, dentelles et accessoires est faite de façon méticuleuse, en grande partie parmi les artisans des villages, et dans son atelier, les formes et les textures se transforment comme par magie en fonction des expériences vécues, des pays visités, des gens rencontrés, des livres lus ou des mélodies écoutées. Profondément romantique, Katia n’a aucunement honte de dire que si ses yeux, contemplant la beauté d’une robe ou d’un bijoux, sont capables de susciter cet émerveillement dont elle ne saurait plus se passer, c’est que tout va bien. C’est aussi simple que ça.
Depuis presque six ans, elle et son compagnon sont basés au sud du Portugal et passent l’été de marché en marché, exposant leur travail dans les rues qu’ils aiment clairement, faisant d’elles, pendant quelques mois, leur seule et unique maison. Après avoir reçu plusieurs invitations, ils ont décidé de participer également cette année aux foires de Toulouse et de Florence, permettant d’ouvrir de nouvelles portes, ils suivront néanmoins la route habituelle des marchés, foires et festivals au Portugal et en Espagne.
Des projets futurs ? Katia aimerait collaborer avec d’autres artistes et artisans, l’idée est d’imprimer les tissus avant de les travailler, une nouvelle étape.La nouvelle collection est en production et sera disponible à partir de mars prochain – un showroom sera organisé à Luxembourg vers la mi-mars. Les influences lui ont été dictées par l’empreinte indélébile que cette dernière année lui a laissée. Entre voyage au Japon et deuil – elle dédicace ce travail à son père.