Quiconque passe boulevard Pierre-Dupong, doit être curieux de l’aspect que l’Athénée de Luxembourg aura après sa rénovation. Et sans anticiper sur ce que l’avenir réserve, une fois que le chantier sera fini, et que les échafaudages seront remisés, il est déjà à craindre que l’ancien bâtiment, témoignage fait de légèreté et d’élégance des années soixante, n’ait du mal à se sortir de l’espèce d’écorce, ou de carcan, dans la partie droite du moins, vers les terrains des sports. Mais on se laissera volontiers surprendre, voire convaincre du contraire, en montant vers l’entrée principale, avec son long défilé de mosaïques ; on retrouvera sans doute aussi le bonhomme au flambeau (de la science) momentanément mis à l’abri.
La question se pose si pour tels œuvres d’art, à ce moment-là, il fut déjà organisé un concours, ou de quelle autre manière les Stoffel, Probst ou Gillen furent choisis ; il est vrai que ces artistes comptaient, et le résultat, pas de raison d’en avoir honte, aujourd’hui même. C’était l’art de l’époque, cette abstraction lyrique ou tant soit peu géométrique, trois styles différents, se mariant quand même, et un art approprié à l’architecture du bâtiment. On sera plus sévère pour la sculpture, elle datait dès l’origine, et son symbolisme pouvait passer pour suranné, voire inconvenant.
De Merl à Bertrange, de l’Athénée à l’École européenne 2, c’est une pérennité qu’on constate, et que de changement. Un très long couloir, cette fois-ci à l’intérieur d’un des bâtiments, une centaine de mètres, et des espaces à meubler en quelque sorte ; à Merl, il y eut naguère un patio avec une sculpture de Wercollier, transplantée si je ne fais pas erreur au Kirchberg.
Pour Bertrange, il y eut un concours d’œuvres d’art de l’Administration des bâtiments publics ; peut-être qu’un jour plus ou moins lointain architecte et artiste seront choisis ensemble, feront équipe. (Je viens de lire que le bureau M3Architectes a été désigné lauréat pour la planification du nouveau bâtiment du Centre hospitalier, je constate que les groupements qui ont concouru ont tous compris des paysagistes, pourquoi ne pas y associer dès le départ des artistes, au lieu de les faire intervenir seulement après coup ?)
À l’École européenne 2, conçue par Michel Petit, on dira que cela n’a pas porté à conséquence, que le résultat est des plus heureux, dans un contexte difficile. Mais Paul Kirps a joué justement de ces difficultés, toutes sortes d’ouvertures, divers objets aux murs en plus du calepinage des plaques de béton ; il a épousé pour sa fresque le caractère discontinu, déchiqueté, et ses formes, dans leurs couleurs aussi, viennent entre géométrie et biomorphisme imposer leur propre rythme à un parcours où les pas conduisent à de belles surprises. Cela jusqu’au bout, où le visiteur, Wanderer de cette fresque murale, s’engage dans un escalier qui vient comme resserrer l’espace, lui donner une intimité certaine, pour retrouver d’un côté les amples courbes en noir et blanc du départ, découvrir de l’autre comme une intrusion coloriée dans telle partie du corps humain, dans tels organes. Le tout bien sûr dans une traduction très graphique, dans une stylisation bienvenue.
Des fenêtres, des portes interrompent la continuité du couloir. Il en est qui donnent sur un espace ouvert, à l’extérieur donc, limité sur trois côtés par les murs du bâtiment. S’y élèvent trois stèles, pour des totems contemporains, de l’attirail électronique détourné, dévergondé par Martine Feipel et Jean Bechameil. Un large banc, tout aussi en blancheur, en forme de nuage, vient faire contraste horizontalement ; il serait souhaitable qu’il y en ait d’autres, à d’autres endroits sur le campus, et que les élèves profitent de la sorte d’un art où pratique et esthétique se rejoignent. Ce qui se fait par leur initiative à eux quand ils s’assoient dans l’escaliers entre les images murales de Paul Kirps.