Le Parlement européen a voté massivement le 16 février en faveur d’une directive relative à la lutte contre la falsification de médicaments (569 voix pour, douze contre et sept abstentions). Ce vote en plénière à Strasbourg reprend les lignes du compromis conclu en première lecture avec le Conseil (fin 2010) et parachève le deuxième volet du « paquet pharmaceutique », la nouvelle législation européenne sur les médicaments, proposée en décembre 2008 par la Commission européenne.
Selon les contrôles aux frontières actuels, qui sont aléatoires, le nombre de médicaments falsifiés identifiés a augmenté de presque 400 pour cent par rapport à 2005, alors que un à trois pour cent des médicaments vendus en pharmacie sont falsifiés. Ce marché est évalué à 45 milliards d’euros. Sur la seule offre en ligne, un médicament sur deux est falsifié. L’Union Européenne a décidé de s’attaquer au problème de ces « ‘médicaments’ qui sont des assassins silencieux puisqu’in fine, on achète des préparations sans ingrédient pharmaceutique actif, qui ne soignent pas » comme le souligne la rapporteure du texte soumis au vote du Parlement, Marisa Matias (GUE, Portugal).
Le texte vise à augmenter la sécurité des patients en renforçant la surveillance sur toute la chaîne d’approvisionnement légale par l’introduction de normes plus strictes, tant pour les grossistes qui manipulent les médicaments que pour les courtiers qui participent à la vente ou à l’achat de médicaments. Les premiers seront par exemple soumis à des exigences plus strictes en matière de conservation des données tandis que les seconds pourront être soumis à des inspections répétées. Ces normes ne devraient pas être limitées au territoire de l’UE : la fabrication de substances actives, par exemple, devra être soumise à un code de bonnes pratiques de fabrication, que ces ingrédients aient été fabriqués dans l’UE ou qu’ils aient été importés.
Le texte instaure un principe défendu par le Parlement : celui d’un identifiant unique apposé sur l’ensemble des médicaments soumis à prescription médicale dans l’UE pour attester leur authenticité. Il doit remplacer des signes distinctifs existants, différents d’un État membre à l’autre. Pour les médicaments vendus sans ordonnance, c’est le principe inverse : ils ne seront pas soumis au dispositif, à moins qu’ils représentent un risque pour la santé.
Du point de vue du patient, un autre changement de taille sera la surveillance renforcée de la vente sur internet qui a été ajouté par les eurodéputés au texte initial de la Commission. Seuls le Danemark, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, le Portugal et les Pays-Bas autorisent la vente de médicaments soumis à prescription sur internet à ce jour. La directive n’harmonise pas les réglementations en vigueur pour la vente en ligne, mais introduit un logo commun permettant d’identifier les sites internet qui proposent légalement des médicaments en ligne. Ces sites devront par ailleurs comporter un lien renvoyant au site internet de l’autorité compétente concernée et donner un maximum d’informations aux patients sur les sites légaux.
En cas d’infraction, des sanctions seront mises en place au niveau national : elles « ne doivent pas être inférieures à celles applicables à des infractions au droit national d’une nature et d’une importance similaires ». Ce qui signifie que la définition du niveau de sanction sera laissée à la libre appréciation des États. La Commission devra tout de même évaluer ces mesures dans cinq ans.
La nouvelle législation communautaire doit maintenant recevoir l’aval formel du Conseil dans les prochaines semaines et devrait entrer en vigueur fin 2012, début 2013, avec une réserve, car la mise en œuvre de certaines dispositions techniques nécessitera vraisemblablement plus de temps (cinq ou six ans environ).
Le Bureau européen des Unions de consommateurs (BEUC) s’est félicité de l’adoption de cette directive, mais a appelé l’UE à en surveiller le rapport coût-efficacité et le respect des règles de protection des données.
Il reste à régler le troisième volet du paquet pharmaceutique, « l’information aux patients », véritable « cheval de Troie des groupes pharmaceutiques », selon Claude Turmes (Verts, Luxembourg), paquet qui est actuellement bloqué au Conseil et au Parlement européen.