Grâce au Tribunal de l’Union Européenne, une large audience de spectateurs pourra regarder les matchs de la Coupe du monde de football et de l’Euro sur des chaines gratuites. Dans trois arrêts, rendus le 17 février les juges de l’institution communautaire basée à Luxembourg ont en effet rejeté les trois recours de la Fédération internationale de football association (Fifa) et l’Union des associations européennes de football (Uefa) organisatrices de ces manifestations sportives défendant l’exclusivité des droits de retransmission qu’elles vendent au plus offrant, donc en priorité aux chaînes de télévision payantes1. Ils ont reconnu la possibilité pour les États membres de remettre en cause cette exclusivité lorsque la retransmission concerne un « événement d’une importance majeure »
La Belgique et le Royaume-Uni avaient inclus ces manifestations sportives dans des listes d’événements qu’ils voulaient exempter d’exclusivité pour permettre la diffusion au plus grand nombre, conformément à la directive « Télévision sans frontières » (TSF)2. Ces listes ont été envoyées pour validation à la Commission européenne qui a décidé qu’elles étaient compatibles avec le droit de l’UE.
La Fifa et l’Uefa ont contesté devant le Tribunal cet aval de l’exécutif européen qui les prive d’une partie substantielle de leurs revenus et viole, selon elles, leur droit de propriété intellectuelle sur la retransmission de ces événements. Elles estiment disproportionnée la décision d’exclure tous les matchs.
Les juges ont estimé que ces événements sportifs représentaient un intérêt manifeste, non seulement pour les amateurs de football, mais pour un grand nombre de spectateurs. Aussi ont-ils jugé qu’ils peuvent légitimement être qualifiés « d’événements d’une importance majeure » pour leur société et que la directive TSF permet explicitement à un État membre d’interdire la retransmission exclusive de tels événements sportifs ou culturels en vue d’assurer la possibilité pour le public dans son ensemble de les suivre sur une télévision gratuite. Une telle restriction de la liberté de prestation de services et d’établissement est justifiée par le droit à l’information et par la nécessité d’assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées de ces événements.
Le Tribunal précise par ailleurs que ces compétitions doivent être considérées comme des événements uniques indissociables, contrairement à ce que prétendaient les requérantes. Celles-ci voulaient une distinction entre matches clés et matches de moindre importance, comme les matches dans lesquels ne jouent pas l’équipe nationale ou ceux qui ne sont pas « à élimination » pour justifier un accès limité au moins à ceux-ci. Les juges n’ont pas retenu cette affirmation car ils estiment « impossible de déterminer à l’avance – au moment de la rédaction des listes nationales ou de l’acquisition des droits de retransmission – quels matches seront vraiment décisifs pour les étapes ultérieures de ces compétitions ou qui auront un impact sur le sort d’une équipe nationale donnée ».
Par ailleurs, dans l’arrêt T-68/08, le Tribunal reconnaît que certes, il y a atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la Fifa mais que la protection de ceci « n’est pas une prérogative absolue » et que doit primer l’intérêt général : ici la diffusion au plus grand nombre. Les juges rejettent aussi l’argument selon lequel cette ouverture des retransmissions aux chaînes gratuites entraînerait une perte de revenu et donc priverait la Fifa des moyens de poursuivre ses objectifs statutaires : ils estiment que si l’interdiction de l’exclusivité des droits affecte bien le prix que la Fifa pourrait « obtenir pour l’octroi des droits de retransmission de la Coupe du monde au Royaume-Uni, elle n’annihile pas la valeur commerciale de ces droits ». En effet ils soulignent qu’« elle n’oblige pas la Fifa à les céder à n’importe quelles conditions ».
Le Tribunal conclut que la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant conforme au droit de l’Union la qualification de ces manifestations « d’événement d’une importance majeure » pour les sociétés belges et britanniques, et rejette par conséquent les recours de la Fifa et de l’Uefa.