Le régime des pensions est une affaire d’hommes. Réformer ce système, c’est un peu comme la recherche de la formule monde et jusqu’ici, le ministre de la Sécurité sociale, Mars di Bartolomeo (LSAP), en est tout juste arrivé à en présenter ses grandes lignes, la semaine dernière à la commission parlementaire. En théorie, le calcul des pensions est un système bien rodé du moment que les carrières des bénéficiaires ont été linéaires. Or, au moindre écart, les choses se compliquent. Beaucoup de femmes ont été confrontées à cette situation, n’ayant pas poursuivi de carrière professionnelle, sans droits personnels à la retraite, pour des raisons familiales surtout. La faille est énorme en cas de divorce – plus de la moitié des mariages – et a forcé plus d’une femme d’aller quémander auprès des Offices sociaux et du Fonds national de solidarité. Cette solution est indigne, mais elle n’a longtemps provoqué que des haussements d’épaules – selwer Schold !
La réponse a été de pousser les femmes à ne plus quitter leur emploi après le mariage et à se constituer des droits à la retraite. La sauce a pris, le taux d’emploi féminin a augmenté – il a progressé de 53,8 pour cent en 2000 à 61,3 pour cent en 2009 selon le Statec –, mais face au défi d’équilibrer vie familiale et vie privée, beaucoup choisissent de travailler à temps partiel. 34,8 pour cent des femmes âgées entre vingt et 64 ans travaillent à temps partiel contre 4,2 pour cent des hommes.
Le travail à temps partiel est un nouveau piège, car comme le montant des cotisations est réduit de la moitié, ces personnes ne pourront pas s’attendre à une pension suffisante pour subvenir à leurs besoins. Et comme l’écart des salaires entre femmes et hommes vient encore aggraver la tendance – les femmes gagnent entre quinze et trente pour cent moins que leurs collègues masculins –, celles qui ont été prêtes à sacrifier leur carrière au profit de leurs proches s’en trouveront davantage pénalisées. Une bombe à retardement.
La situation devient maintenant particulièrement dramatique, car le nombre de familles monoparentales ne cesse d’augmenter et selon les données du Service national d’action sociale, les femmes cheffes de famille monoparentale sont largement représentées parmi les bénéficiaires du revenu minimum garanti – elles étaient 1 443 contre 93 hommes en 2009. Elles ne pourront donc pas s’attendre à grand-chose, l’âge de la retraite atteint. Le taux de risque de persistance de la pauvreté va augmenter, car de 2008 à 2009, l’indicateur de pauvreté UE 2020 s’est même déterioré dans toutes ses composantes au Luxembourg.
Lors de la formation du nouveau gouvernement en 2009, le Comité du travail féminin avait déjà lancé un appel pour des politiques volontaristes, ne serait-ce qu’en lançant des « actions de sensibilisation à l’affiliation continuée de l’assurance pension ». Dans l’intervalle, les citoyens ont eu à subir un déferlement de brochures, dépliants et autres campagnes de com’ pour tous les sujets imaginables – sauf pour la continuation de l’assurance pension.
La question est même devenue tellement encombrante que la commission juridique du parlement avait failli exclure du dossier divorce la question du partage des retraites en cas de rupture. Certains députés ne trouvant pas qu’une répartition équitable d’une seule pension entre ex-conjoints puisse résoudre le problème, en affirmant sans sourciller que plutôt que de se retrouver avec deux personnes au bord de la pauvreté, il vaudrait mieux n’en sacrifier qu’une seule. Ça aussi, c’est une forme de violence.