German open ended funds au Luxembourg

Investisseurs dans le passé, investisseurs dans le futur ?

d'Lëtzebuerger Land du 17.02.2011

Le marché de l’investissement en immobilier professionnel (bureau, commerce, logistique) au grand-duché de Luxembourg est encore un marché jeune. À titre d’exemple, le stock de bureaux a connu une croissance de plus de 70 pour cent en dix ans. L’immobilier de bureaux est en effet le pilier principal de ce marché, conséquence d’un paysage économique du pays caractérisé par des occupants du domaine tertiaire. Il faut néanmoins noter que les secteurs commerciaux et logistiques se développent également, avec la multiplication des projets de type shopping centre.

Avant l’année 1998, le marché de l’investissement en immobilier professionnel était quasiment inexistant au Luxembourg : avec un stock total de bureaux d’à peine deux millions de mètres carrés, croissant à un rythme modéré d’environ deux pour cent en moyenne par an, peu d’investisseurs professionnels apportaient de l’intérêt à la place luxembourgeoise.

Cette situation a évolué entre 2000 et 2005 avec une accélération de la croissance du stock de bureaux atteignant en moyenne 4,9 p.c. par an. Fin 2005, le stock de bureaux s’élève à environ 2,7 millions de mètres carrés. Cette augmentation progressive de la taille du marché et donc de la liquidité commence à susciter de l’intérêt à l’échelle internationale. En 2005, le volume d’investissement est de l’ordre de 400 millions d’euros.

C’est vers 2002 que les fonds ouverts allemands commencent à investir dans la place luxembourgeoise. L’arrivée des fonds ouverts allemands (GOEFs pour German open ended funds), qui vont devenir les acheteurs principaux en immobilier de bureaux, s’explique également par l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi allemande portant le nom « 4. Finanzmarktförderungsgestez »en juin 2002, qui autorise désormais les fonds ouverts allemands à acheter des sociétés immobilières (achat en share deal).

D’une manière générale, la place luxembourgeoise suscite beaucoup d’intérêt auprès des fonds ouverts allemands et ceci pour de multiples raisons. Le pays est connu pour sa grande stabilité économique, ce qui se manifeste également à travers les rendements qui sont beaucoup moins volatils que dans d’autres marchés (Londres par exemple). La place financière luxembourgeoise est renommée au niveau international et attire par conséquent des grands groupes (banques, assurances, etc.), qui sont des occupants financièrement solides. Le système d’indexation conduit à une augmentation régulière des loyers en valeur absolue et à une augmentation de la valeur relative de l’investissement. Le marché de l’immobilier professionnel, côté développement, se trouve dans les mains de quelques acteurs, surtout locaux, qui ont une bonne perception du marché et génèrent une croissance contrôlée. Cette transparence donne de la confiance aux fonds ouverts allemands. Un dernier avantage est l’environnement fiscal excellent en comparaison à d’autres pays ; ainsi malgré un niveau de prix assez élevé, le rendement net reste attrayant.

L’intérêt de la part des fonds, surtout des fonds ouverts allemands, se renforce en 2006 et 2007 avec des volumes de transactions jamais vus auparavant (de l’ordre de 1,3 milliard respectivement de 2,6 milliards d’euros par an). On assiste a une ruée des investisseurs de tous horizons sur les biens proposés à l’achat. La demande est tellement forte que les immeubles se vendent avant leur construction sous formes de ventes en futur état d’achèvement, sécurisées avec des garanties locatives de plusieurs années. La conséquence de cette demande et du peu de bâtiments disponibles sur le marché est une montée des prix de vente. Les rendements sur certains biens descendent jusqu’à 5,3 pour cent. Les développeurs veulent profiter de cette surchauffe et continuent à démarrer des projets. À ce moment-là, l’obtention du financement nécessaire ne représente pas de frein au développement de projets immobiliers.

En 2007, les German open ended funds réalisent plus de 70 pour cent de tous les achats au Luxembourg. D’autres acteurs plus agressifs comme des investisseurs scandinaves ou anglais sont également présents. En 2008, la crise impacte la planète financière et le Luxembourg n’est pas une exception. L’affaire Fortis, le sauvetage de Dexia, les mises sous tutelle administrative des banques islandaises (Kaupthing, Landbanski) et les conséquences de l’affaire Madoff ne sont que quelques exemples marquant cette période turbulente.

Le marché de l’investissement luxembourgeois s’immobilise progressivement. Avec environ 500 millions investis lors d’une vingtaine de transactions, on enregistre une baisse de l’ordre de 80 pour cent par rapport au volume investi en 2007. Les fonds ouverts allemands se retirent du marché, treize d’entre eux ferment en octobre 2008 pour cause de retraits massifs de liquidités de la part de leurs clients. Lors d’une fermeture ces fonds ne peuvent ni acheter de nouveaux biens, ni vendre des biens faisant partie de leur portefeuille. C’est une immobilisation quasi totale de leur activité.

Avec un volume d’environ 470 millions d’euros, le marché de l’investissement reste toujours faible en 2009. Il s’agit majoritairement d’achats pour occupation propre et d’opérations menées par des privés locaux. Ces derniers cherchent à placer leur argent, ayant peu d’alternatives sur le marché des capitaux. Il s’agit surtout de petits investissements avec un volume inférieur à 20 millions d’euros.

Ce faible niveau de transactions n’a néanmoins pas eu un effet important sur les rendements qui sont restés très stables (l’estimation du prime yield s’élève à environ 6 p.c.) et donc inférieurs à des marchés plus volatils comme Londres ou Madrid. Cela explique pourquoi le Luxembourg est, à court terme, relativement moins attractif comparé à d’autres marchés européens. Les acteurs internationaux favorisent les pays où ils peuvent profiter d’opportunités d’investissements extraordinaires.

Même si, au courant de l’année 2010, les économies à travers le monde ainsi que les marchés immobiliers se sont améliorés, le marché de l’investissement luxembourgeois reste toujours faible. La situation est figée avec un volume d’investissement inférieur à 150 millions d’euros (incluant des achats pour occupation propre ainsi que des ventes de terrain).

Le manque d’acheteurs et de produits persiste. La problématique du financement également. Et les fonds ouverts allemands sont toujours aux abonnés absents. L’aspect sécurité est devenu le critère majeur de ces GOEFs, raison pour laquelle le Luxem­bourg reste une cible intéressante. Le problème réside dans le manque d’offre correspondant à une demande plus ciblée (objets que l’on appelle core). De nouveaux retraits importants au cours de l’année 2010 se sont encore opérés et il règne une grande incertitude quant à l’activité de ses fonds pour l’année 2011.

Les GOEFs ont subi plusieurs changement importants de réglementation : une période de détention minimale de deux ans, une pénalité en cas de retrait au cours de la troisième et quatrième année, une période de préavis de douze mois, une somme maximum de retrait, etc.. Ces réformes devraient pousser les investisseurs institutionnels (clients des GOEFs) à se retirer progressivement. Ces derniers étaient en grande partie responsables des problèmes de liquidité des fonds par leurs retraits massifs et incontrôlables. L’objet des réformes étant donc de stabiliser ces flux.

Tout doucement, on observe à nouveau une augmentation de l’intérêt de certains fonds ouverts allemands à l’égard de produits disponibles, même s’ils ne correspondant pas entièrement aux critères sévères mentionnés auparavant, car il y a beaucoup de capitaux à placer.

La thématique du financement reste cependant un challenge comme désormais l’apport en capitaux propres doit être de minimum 70 p.c., au lieu de 50 auparavant, également une conséquence de ces réformes.

À l’heure actuelle, les fonds recherchent surtout des biens situés à des endroits qui font montre d’une économie stable et d’occupants solides. Ceci constitue une chance pour la place luxembourgeoise et montre que la reprise est sur la bonne voie, mais il reste encore un bout de chemin à parcourir avant de retrouver le niveau d’avant crise.

Il n’est pas impossible que certains fonds ouverts doivent liquider une partie de leur portefeuille. D’autre part des fonds spéciaux allemands pourraient renforcer leurs présences au grand-duché, comme ceux-ci restent moins règlementés. Ainsi, il est probable que les GOEFs soient encore des acteurs sur le marché dans le futur, mais leur prédominance et leur stratégie seront probablement différentes que par le passé.

Les auteurs sont respectivement Managing Director et Marketing & Administration, CB Richard Ellis s.a.
Gérald Merveille, Véronique Koch
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