Fini les abus des locataires sans scrupules profitant des protections légales et des failles pour embêter ou même nuire à leur propriétaire. Le ministre du Logement, Fernand Boden, vient de présenter un projet de loi sur le bail à usage d'habitation principale.
D'abord, il y abolit la différence entre les constructions datant d'avant la fin de la guerre, le 10 septembre 1944, et celles érigées plus tard. Les propriétaires d'anciens bâtiments pourront donc augmenter substantiellement leur loyer, ce qui permettra peut-être de repeupler le centre Ville déserté. Ils ont préféré les laisser vide plutôt que de les louer à bas prix - c'est dire s'ils sont dans le besoin.
Le ministre espère qu'en liant le montant du loyer aux capitaux investis dans l'immeuble, les propriétaires vont se sentir encouragés à investir dans ces logements souvent insalubres, quitte à déloger des locataires au revenu modeste qui n'ont pas les moyens de se payer un logement décent. Ils pourront toujours s'adresser au Fond du Logement et s'inscrire sur la longue liste des demandeurs d'habitations à bon marché.
Ensuite, il définit les délais et les sursis au bout desquels un locataire doit déguerpir lorsque son bail a été résilié selon les modalités prévues - si le propriétaire même ou un membre de sa famille veulent aménager, si le locataire n'a pas exécuté ses obligations ou si celui-ci n'a pas géré la location en « bon père de famille », donc si le propriétaire a des motifs « graves et légitimes » pour se débarrasser du locataire. Il s'agit d'éviter des procédures d'expulsion sans fin lorsque le locataire tarde à faire ses valises. Le souci de vouloir délester les tribunaux saisis de dossiers et de plaintes répétitives et interminables a sans doute été un argument de poids. Sauf que les juges auront toujours à trancher lorsque le locataire conteste que le propriétaire a résilié un contrat de bail pour des motifs « graves et légitimes ». C'est la jurisprudence qui fera loi.
En contrepartie, le locataire ne pourra plus être forcé à payer sa garantie locative en espèce, la présentation d'une garantie bancaire devra suffire. Son bail ne pourra pas être résilié lorsque le logement change de propriétaire, il sera aussi maintenu pour les habitants lorsque le locataire, signataire du bail, aura abandonné son domicile - par exemple quand le père quitte ses proches, la famille pourra demeurer à cette adresse - ou s'il est décédé.
Les procédures et les délais de recours auprès des commissions des loyers vont aussi être changés, surtout pour dissuader les locataires de les saisir « de manière abusive », selon le ministre. Elles auront aussi une mission de conciliation et d'arbitrage.
S'il est vrai que certains locataires ont abusé des protections de la loi, il n'en reste pas moins que dans un contexte de pénurie de logements, d'autres risquent d'être à la merci du propriétaire. Même s'ils auront le droit par exemple de refuser de payer cash leur garantie locative, ils risqueront de se faire claquer la porte au nez puisque la demande est forte. Lorsque l'on sait qu'entre temps, les propriétaires n'hésitent plus à exiger la présentation de fiches de salaire pour conclure un contrat de bail, les positions de force sont claires. Se pose la question de savoir s'il était vraiment nécessaire que le ministre cède sur autant de revendications des propriétaires.