Serions-nous en présence d'une nouvelle loi à laquelle le nom de l'auteur et concepteur se rattacherait à tout jamais, à l'instar de la loi Rau? La maison d'édition promoculture vient de publier, avec le titre Steuern sparen bei Renovierung und Kauf von Immobilien und Bauplätzen un ouvrage qui prend la forme d'un guide pratique. L'auteur de l'ouvrage n'est personne d'autre que Paul Bleser, directeur de l'Administration de l'enregistrement et des domaines. Les nouvelles dispositions légales en la matière portent en effet sa signature. Son initiative de publier sous forme de guide pratique les nouvelles mesures fiscales et de les expliquer au grand public lui fait honneur.
Les excellents commentaires du coauteur du guide, Mathis Mellina, inspecteur à la Direction de l'enregistrement, qui portent sur les nouvelles dispositions en matière de la TVA logement vaudraient à eux seuls qu'on se procure ce guide pratique.
Cependant notre propos porte uniquement sur la partie relative aux nouvelles dispositions légales en matière de droit d'enregistrement et de transcription. De ce point de vue, l'ouvrage complète ainsi fort utilement le commentaire de la loi du 30 juillet 2002, paru en septembre dans la revue consacrée à la fiscalité luxembourgeoise (Études fiscales, N° 128/130) dont les auteurs sont également Paul Bleser et Mathis Mellina de l'Administration de l'enregistrement ainsi que Sylvie Trausch-Schoder de l'Administration des contributions directes.
L'écho donné par ces nouveaux textes révolutionnaires est tel que d'aucuns n'hésitent déjà plus à parler de la "Loi Bleser" dans les milieux concernés. Essayons de résumer :
Depuis des années, le Gouvernement multiplie ses efforts, plus que louables, dans l'intérêt du logement. Le Premier Ministre, lors de sa déclaration sur l'état de la Nation, le 7 mai 2002, avait annoncé des mesures fiscales en faveur du logement. Les nouvelles dispositions légales s'inscrivent tout simplement dans le cadre de ce plan d'action et constituent pour ainsi dire une loi de synthèse qui embrasse l'ensemble des nouvelles dispositions fiscales en matière d'impôts directs et indirects en faveur du logement.
L'ouvrage de Paul Bleser consacre son commentaire plus spécialement sur le deuxième chapitre de la loi du 30 juillet 2002 intitulé Droits d'enregistrement et de transcription pour l'acquisition d'habitation personnelles, alors que le troisième chapitre et le règlement grand-ducal du même jour traitant des nouvelles mesures en matière de TVA logement sont commentés par Mathis Mellina.
L'auteur nous révèle tout d'abord la philosophie des nouveaux textes, sa ratio legis pour ainsi dire. Son enthousiasme fervent, combiné à l'esprit cartésien que nous lui connaissons, fait que le guide trahit entièrement la plume de son auteur. Défenseur ardent du principe de l'égalité du citoyen devant la loi en général, et surtout la loi fiscale, le directeur de l'Enregistrement, à qui l'abrogation des anciennes dispositions légales de 1906 sur les habitations à bon marché tenait à cur depuis belle lurette, a su intégrer dans la nouvelle loi ces principes qui en deviennent pour ainsi dire le leitmotiv.
Aussi les nouveaux textes consacrent-ils avec fermeté les principes généraux de la neutralité de l'impôt indirect, en l'espèce les droits d'enregistrement.
Dans cet esprit et en soulignant ces principes, il était clair pour l'auteur de la loi qu'il fallait faire tabula rasa en abrogeant tout simplement l'ensemble des dispositions légales antérieures en la matière, l'ancien système violant en effet à la fois le principe d'équité fiscale et celui de la nature intrinsèque de l'impôt indirect.
En ce sens, la nouvelle loi porte incontestablement la griffe de son auteur, à qui ces deux principes tiennent si chaudement à cur. Finie donc l'application de critères relatifs à la personne, acheteur ou vendeur, à ses revenus, sa fortune, le nombre d'enfants, etc.: la nouvelle loi n'en tient pas compte et en fait fi. Ne seront plus considérés dorénavant non plus tous les critères relatifs à l'habitation, sa nature, sa classe cadastrale, son site, etc. La nouvelle approche ne tient compte que d'un seul critère objectif et valable pour tout le monde: la valeur de l'immeuble.
Le système a le mérite d'accorder à tout résident au Luxembourg un crédit d'impôt maximal de 20.000 euros à faire valoir sur les droits d'enregistrement et de transcription normalement dus (sept pour cent) lors de l'acquisition par voie notariée d'une habitation personnelle. Ce crédit d'impôt, sous certaines réserves plus amplement énoncées dans la loi, est accordé à toute personne physique sans autre condition personnelle, que celle d'occuper endéans un certain délai effectivement et personnellement le logement acquis, de ne pas l'affecter à d'autres fins.
Bien sûr, il est loisible au bénéficiaire d'acheter une habitation d'une valeur supérieure à celle qui correspond au plafond maximum du crédit d'impôt. En ce sens, la nouvelle loi innove complètement, alors que sous le régime de l'ancienne loi le taux réduit n'était pas accordé en cas de dépassement du revenu cadastral.
De surcroît, lorsque l'achat n'épuisera pas la totalité du crédit d'impôts, il reste un reliquat à l'acquéreur qui pourra être utilisé lors d'une ou d'autres acquisitions ultérieures. Il appartient donc à l'acquéreur de décider s'il entend épuiser son crédit d'impôt en une seule fois ou à l'occasion de plusieurs acquisitions.
Les travaux préparatoires de la nouvelle loi ont montré des divergences de vue quant à cette approche, notamment au sein du Conseil d'État (cf. son avis du 2 juillet 2002), qui estimait néanmoins que le nouveau système ne répondrait que partiellement aux objectifs fixés en argumentant que la nouvelle loi, dans certains cas, serait moins favorable que les anciennes dispositions. Le législateur n'a cependant pas partagé cet avis, mettant ainsi l'accent sur le fait que l'allègement fiscal devrait profiter à tous, l'impôt indirect de par sa nature s'appliquant indifféremment aux contribuables, qu'ils soient aisés ou non, mariés ou divorcés, etc.
Le montant du crédit d'impôt maximal de 20.000 euros par personne reflète, d'après la loi, une dépense considérable aux possibilités financières de ou des acquéreurs, équivalent à un logement d'une certaine qualité. Il s'agit dès lors non pas de créer des avantages importants pour les personnes aisées, mais de favoriser l'accès à la propriété normale, du standard communément admis dans notre pays, précisément au profit de ce citoyen moyen.
Il va sans dire que le nouveau système va considérablement faciliter l'octroi du crédit d'impôt, ce dernier étant rattaché à une personne physique quel que soit son statut.
Ainsi, en pratique, et l'auteur de l'ouvrage nous fournit les exemples, tout notaire ou toute personne concernée obtiendra sur-le-champ auprès du receveur de l'Enregistrement les renseignements sur son crédit d'impôt disponible. Le directeur est très formel là-dessus, alors que son administration a pris soin de s'organiser grâce à l'informatique, tentant ainsi d'éviter toute lourdeur et lenteur.
L'ouvrage a également le mérite de nous expliquer à l'appui d'exemples concrets la simplicité de la nouvelle procédure rendant superflues les recherches fastidieuses ainsi que la production des certificats difficilement vérifiables requis sous l'ancienne loi.
Le guide comprend en langue allemande le texte intégral de la nouvelle loi et devrait servir de vade mecum à tout professionnel en la matière. Nous regrettons uniquement l'absence d'une version française qui ne devrait cependant pas tarder.
Paul Bleser [&] Mathis Mellina: Steuern sparen bei Renovierung und Kauf von Immobilien und Bauplätzen, éditions Promoculture, Luxembourg 2002, 168 p., 44,20 euros