Ah, que la vie était belle, dans les années 1950 et 1960 à Luxembourg ! Il y a bien eu quelques rares accidents de tram, de voiture ou de train, quelques catastrophes naturelles aussi, comme notamment les inondations du Grund, mais rien de cela ne pouvait entraver la joie de vivre des Luxembourgeois. Théo Mey, photo-reporter, le premier à avoir fondé une agence de presse au Grand-Duché, nous montre un pays en pleine reconstruction d'après-guerre, en train de se moderniser à vitesse grand V, où les gens prennent plaisir à travailler, à consommer, à faire du sport. "Mens sana in corpore sano" était-il inscrit sur le podium de l'élection de Mister Univers en 1962 (page 119) - ce que personne n'oserait plus affirmer en relation avec des body-buildeurs. Dans le monde de Théo Mey, les femmes défilent dans d'improbables sous-vêtements au Casino bourgeois - là où nous autres allons voir de l'art contemporain aujourd'hui (p.106) - alors qu'une armée de bonnes surs glissent imperceptiblement, tête baissée, dans le paysage urbain, lors de l'enterrement de la révérende-mère en 1962 (p.113).
Pendant ce temps-là, le gouvernement fait construire le grand théâtre et le Pont Rouge, monuments d'un esprit progressiste que le Grand-Duché semble avoir perdu depuis lors. Le pont devait permettre de relier le Kirchberg au Centre-ville afin d'y installer les Communautés européennes. L'urbanisme de ce nouveau quartier était alors entièrement et uniquement pensé pour la voiture, Théo Mey la célèbre dans ses photos, en 1955, lorsque l'arrivée de la 3.000ème Coccinelle est célébrée comme un mariage, route de Thionville (p.21) ou dans ses documentations des courses automobiles dont il était un fervent fan. D'ailleurs il se tua au volant de sa Porsche - symbole de sa réussite en self-made-man - en 1964, à l'âge de 52 ans. En 1986, la Ville de Luxembourg a acquis ses archives avec quelque 400.000 clichés réalisés entre 1964 et sa mort. Après l'exposition d'une sélection de photos, cet été au Cercle municipal, la Photothèque vient d'éditer un livre monographique avec 160 photos pleine page. Il s'agit du deuxième tome de la collection Trésors de la Photothèque, le premier ayant été consacré, l'année dernière, à Pol Aschman. Si le livre est un peu cher, il constitue néanmoins un concentré de nostalgie qu'on a tout simplement plaisir à feuilleter.
Théo Mey, Trésors de la Photothèque par la Ville de Luxembourg; 218 pages; 160 photos; 48,5 euros; ISBN 2-9599812-1-9.