Le groupe anglais Alt-J est de retour sur scène après deux ans d’absence, et c’est dans le cadre enchanteur de l’Abbaye de Neumünster que l’Atelier a décidé d’accueillir le trio. Idéalement, les trois garçons auraient pu constituer la tête d’affiche du récent Siren’s Call, tant leur esthétique musicale electro-pop colle à merveille avec ce nouveau festival urbain. Mais on se doute en constatant le prix d’entrée (sur place) de soixante euros (!) que financièrement, le groupe a dû franchir un nouveau palier. Ça n’a pas empêché un public nombreux de se déplacer pour accueillir les musiciens de Leeds, sous le soleil et dans la bonne humeur estivale.
Autant le dire tout de suite : Alt-J n’a jamais vraiment été un groupe de scène, et ce n’est pas ce concert qui va nous contredire. Pour contrebalancer la relative froideur de leur musique, on aurait espéré un peu de flamme sur scène. Celle-ci n’est apparue que très légèrement, principalement via la chaleur froide de nombreuses barres de LED minutieusement disposées pour séparer les trois musiciens, les forçant dès lors à chacun rester bien dans leur coin, et ne surtout pas communiquer entre eux, en bons geeks qu’ils sont. On aimerait dire deux mots au scénographe tant ce compartimentage est abscons.
Musicalement, le set a balayé la discographie du groupe, du meilleur au neurasthénique, alternant nouveaux morceaux tirés du tout nouvel album Relaxer (notamment le méditatif et plein de grâce « 3WW » en ouverture) et les tubes du premier opus (« Matilda », « Fitzpleasure » en final, « Breezeblocks » en rappel), avec quelques rares passages par « This Is All Yours (Every Other Freckle, Left Hand Free) ». Même si avec ce nouvel album Alt-J s’est affranchi de certains principes pop un peu trop caractéristiques de leurs débuts, il leur est toujours difficile de réellement faire décoller leur musique construite / déconstruite remplie de spleen, aussi parfaite lové dans un canapé, un verre de vin rouge à la main, que génératrice d’une certaine lassitude en interprétation publique.
Si les risques relatifs pris dans ce troisième album sont intéressants et ouvrent de nouvelles perspectives à une musique dominée par le timbre nasillard si singulier de Joe Newman, l’accessibilité en pâtit, surtout dans un contexte estival, festif. On a plus envie de noyer son chagrin dans l’alcool que de trinquer entre amis. Malgré tout, le public était plutôt réactif, n’hésitant pas à reprendre en chœur les refrains les plus connus. Par moments, on se serait presque cru à un concert de Coldplay, la mièvrerie en moins, mais parfois de peu. Clairement, Alt-J a passé un cap, est rentré dans une catégorie supérieure et récolte aujourd’hui le fruit de son talent indéniable. Si on s’est résolu au fait qu’aucun des trois musiciens n’aura un jour plus de charisme qu’une huître de Bretagne, il est sans doute temps qu’un groupe maniant autant la sincérité et la retenue, par moments toutes deux maladroites, transforme en enthousiasme communicatif une matière première aussi ciselée.