Âgé de 22 ans, il écrit son premier roman, intitulé Neiges artificielles, pour lequel il reçoit le prix de la Fondation Hachette. Quatre ans plus tard, il rafle le prix Jeune Théâtre de l’Académie française pour sa pièce Si tu mourais. Ayant aujourd’hui déjà quatre romans et sept pièces à son actif, Florian Zeller compte parmi les jeunes auteurs parisiens les plus en vogue, même si la critique est souvent divisée quant à la qualité de son travail et dubitative quant à la proximité qu’il entretient avec certains rédacteurs en chef de grands médias français. La zone d’ombre qui plane sur la sincérité de ce jeune homme doué est aussi quelque part le sujet de cette pièce, écrite en 2006.
En se réappropriant le sujet du mari infidèle à sa manière, Zeller raconte l’histoire d’Anne, la femme de Pierre, un auteur de théâtre mort prématurément dans un accident de voiture. Lorsque Anne se met à ranger le bureau de Pierre, elle tombe par hasard sur son dernier manuscrit inabouti. La pièce parle de l’histoire d’un metteur en scène marié qui trompe sa femme avec une jeune comédienne. Autobiographie ou fiction ? Dans sa quête de la vérité, Anne finira par trouver une lettre de Laura Damar, une jeune comédienne que son mari doit avoir connue. Dissuadé dans un premier temps par le meilleur ami de Pierre, qui est secrètement amoureux d’elle, Anne ira jusqu’au bout de son investigation et confrontera Laura Damar. Or, au lieu d’y voir de plus en plus clair, Anne se perdra dans un gouffre sans fin composé de mensonges nécessaires et de souvenirs déformés, rehaussés de son imaginaire qui comble les trous.
Le public doit à son tour combler les vides entre chaque chapitre, fonctionnant tantôt comme flash-back cinématographique de la relation entre Pierre et Anne et qui laisse de forts doutes sur la sincérité de Pierre, tantôt comme fantasmagorie surréelle où les deux dialoguent, alors que l’auteur a déjà péri dans l’accident de voiture. Sans oublier le présent, qui est synonyme de la progression, voire de la régression de l’enquête d’Anne et qui la mènera vers son imaginaire, vers sa fascination du pire.
Si la perte des repères d’une femme quarantenaire constitue le sujet de cette pièce, ce qui permet à l’auteur de s’interroger sur la quête de la vérité, le mensonge et la mort, le texte ne dépasse pas l’état du « je sais que je ne sais rien » et le personnage principal n’est jamais amené à faire un choix conscient face au drame de son incapacité à connaître la vérité. Elle est tout simplement perdue à jamais dans ses tourments. La touche d’originalité, qui rehausse l’intérêt de l’œuvre, est la dimension comique qui vient se glisser dans cette quête illusoire et éternelle, puisqu’elle rend ces personnages sympathiques, modestes et terre à terre.
Si tu mourais fût jouée pour la première fois à la Comédie des Champs-Elysées, avec Catherine Frot et Robin Renucci dans les rôles d’Anne et de Pierre. Au Théâtre ouvert du Luxembourg, Colette Kieffer et Franck Sasonoff s’essaient à leur tour dans l’incarnation de ce couple maudit. La présence remarquable de Sasonoff dans le rôle de Pierre tient à sa capacité à incarner avec justesse les traits d’un auteur très sûr de lui, tiraillé entre l’amour qu’il éprouve pour sa femme et son instinct de chasseur à la recherche d’un esprit et d’un corps jeune et sensuel.
Colette Kieffer excelle à son tour dans le rôle de la femme quarantenaire tourmentée, en jouant tout de même les tons comiques d’une manière moins appuyée que ses partenaires. Si le personnage du meilleur ami de Pierre risque par moments de virer au stéréotype du point de vue du texte, Etienne Guillot prête à ce rôle un corps et une diction qui rentrent parfaitement dans la constellation, et arrive à se promener avec finesse sur la ligne qui sépare l’ami plein de bons conseils de l’homme qui éprouve un désir amoureux et une attraction physique pour Anne. Caty Baccega, dans le rôle de l’arrogante et séduisante comédienne Laura Damar qui sympathise avec Anne dans un deuxième temps, arrive à maintenir un pouvoir de dissimulation tout le long de sa prestation, entre le mensonge manipulateur, le mensonge soupçonné et la sincérité. La mise en scène minimaliste de Fabienne Zimmer fait la part belle au texte, rehaussant ce dernier de déplacements d’acteurs qui soulignent l’ambiguïté de leurs sentiments.