Comme une bonne nouvelle de fin d’année, l’Administration des Contributions a émis le 31 décembre dernier sa circulaire sur le régime fiscal des salariés hautement qualifiés recrutés sur le marché international (d’Land du 7.01.).
Cette circulaire répond à un double objectif : en facilitant l’embauche de personnel hautement qualifié, il s’agit d’encourager le développement de produits, secteurs et technologies innovants pour le marché national, et par là-même de préserver et de renforcer la compétitivité des entreprises luxembourgeoises, tout particulièrement dans le cadre de la tendance actuelle aux relocalisations.
Concrètement, la circulaire vise deux cas de figure : celui des détachements depuis l’étranger au sein d’un groupe international, et celui des recrutements directs à l’étranger. Ce champ d’application a volontairement été élargi afin de répondre à l’ensemble des besoins des entreprises s’implantant ou développant leurs activités au Luxembourg. En effet, une limitation aux seuls cas des détachements intra-groupe, à l’instar des régimes fiscaux classiques existant dans certains pays et destinés aux expatriés, n’aurait eu qu’un impact limité : bon nombre d’entreprises doivent faire appel à des recrutements directs à l’étranger, soit pour trouver l’expertise nécessaire à leur expansion, soit parce que les conditions de leur relocalisation ne leur permettent pas de recourir à des détachements, que ce soit pour des raisons budgétaires, culturelles ou autres.
Qu’il s’agisse de recrutements directs ou de détachements, un certain nombre de conditions ont été fixées par l’administration pour bénéficier des mesures fiscales particulières. Au premier chef, l’entreprise doit justifier que le salarié concerné apportera une contribution significative à l’économie luxembourgeoise, et qu’il mettra ses connaissances spéciales et son savoir-faire au profit du personnel local. Ces conditions sont complétées par l’exigence pour le salarié d’être titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur et de disposer de connaissances techniques approfondies, ou de justifier d’une expérience professionnelle spécialisée d’au moins cinq ans dans le secteur que l’entreprise cherche à développer. Le salarié doit également disposer d’une rémunération fixe au moins égale au plafond cotisable, soit cent cinq mille euros environ à l’heure actuelle. Par la réunion de ces différentes conditions, l’administration encourage directement les entreprises qui sauront démontrer que leur démarche constitue un réel apport à l’économie luxembourgeoise.
En outre, la circulaire exige que le salarié effectue, seul ou avec sa famille, un déménagement transfrontalier vers le Luxembourg, et qu’il n’ait été ni résident ni assujetti à l’impôt au titre de ses revenus professionnels au cours des cinq années précédant celle de son arrivée au Luxembourg. Elle exige également que le salarié exerce son activité professionnelle à titre principal, et ne remplace pas un salarié local. Cet encadrement strict sert de garde-fous à une utilisation de la circulaire qui ne répondrait pas à ses objectifs initiaux, mais serait plutôt guidée par des considérations de pure optimisation fiscale.
En ce qui concerne les salariés détachés au sein d’un groupe international, une ancienneté d’au moins cinq ans dans le groupe ou une expérience professionnelle d’au moins cinq ans dans le secteur d’activité est requise. L’entreprise doit également justifier du maintien de la relation de travail du salarié avec l’entité d’origine, laquelle doit être assortie d’un droit de retour, et de l’existence d’une relation contractuelle entre l’entité d’origine et l’entité luxembourgeoise. L’objectif de ces mesures est à nouveau de s’assurer que la personne détachée dispose réellement de compétences présentant un intérêt significatif pour le développement d’activités au Luxembourg. Il est également de garantir la persistance d’un lien organique avec le pays d’origine et donc le caractère temporaire du détachement.
Le recrutement direct de salariés à l’étranger requiert quant à lui de prouver l’acquisition d’une spécialisation approfondie dans un secteur ou une profession caractérisés par difficultés de recrutement sur le marché luxembourgeois. Cette condition se justifie par elle-même : un recrutement à l’étranger ne trouverait pas sa place dans les mesures de faveur si les compétences recherchées étaient disponibles sur le marché local.
Enfin, la circulaire exige que l’entreprise luxembourgeoise occupe ou s’engage à occuper à moyen terme au moins vingt salariés travaillant à temps plein au Luxembourg. De plus, les entreprises établies au Luxembourg depuis au moins dix ans ne peuvent prétendre à l’application du régime que pour dix pour cent de leur effectif au maximum. Ce cadre constitue une incitation louable à la création d’emplois sur le marché local, doublée par l’incontournable nécessité budgétaire de limiter le nombre de cas d’application du régime.
Dans le cadre de la mobilité internationale, les salariés sont nécessairement confrontés à de multiples charges financières entraînées notamment par leur déménagement ou la scolarisation de leurs enfants. Bien souvent, les entreprises n’ont d’autre choix que de prendre en charge tout ou partie de ces frais pour attirer les intéressés au Luxembourg. C’est donc dans une optique d’allègement du poids de ces frais que la circulaire prévoit une exonération des charges spécifiques liées à la relocalisation du salarié.
Sont ainsi exonérées les charges occasionnées par l’arrivée du salarié et par son rapatriement : frais de déménagement à l’arrivée au Luxembourg et au départ, frais d’aménagement du logement au Luxembourg. Sont également exonérés les frais de voyage exceptionnels occasionnés par la naissance, le mariage ou le décès d’un membre de la famille du salarié.
Sont en outre exonérés sans limitation de montant les frais de scolarisation des enfants dans l’enseignement primaire et secondaire. Les frais supplémentaires de logement, les frais de voyage annuel de la famille dans son pays d’origine ainsi que les charges liées à l’égalisation fiscale sont quant à elles exonérées dans la double limite de 30 pour cent de la rémunération fixe et de cinquante mille ou quatre vingt mille euros par an suivant que le salarié est célibataire ou vit en couple. Enfin, une indemnité forfaitaire visant à compenser le différentiel du coût de la vie ainsi que les autres frais divers liés à l’expatriation peut être exonérée à concurrence de huit pour cent de la rémunération fixe ou mille cinq cent euros par mois, ces plafonds étant doublés pour les salariés vivant en couple.
Ce régime d’exonération, qui n’a pas d’effet rétroactif, peut s’appliquer au maximum pour l’année d’arrivée et les cinq années qui suivent, le salarié n’étant plus considéré en situation de mobilité internationale au-delà de cette durée.
Dans le cadre de la course aux relocalisations, le Luxembourg se trouve en bonne position de par son environnement législatif, fiscal, économique et géographique. Cependant, l’absence de régime favorisant le recrutement de salariés hautement qualifiés a souvent suscité des débats, fait hésiter, voire décidé certains groupes à lui préférer d’autres cieux. Avec l’entrée en vigueur de la circulaire sur les salariés hautement qualifiés, le Luxembourg dispose incontestablement à présent d’une carte supplémentaire à brandir pour attirer les groupes internationaux. Cette carte servira également avec efficacité les entreprises locales dans le cadre de l’expansion de leurs activités.