Ils sont fous, ces philosophes ! N’y aurait-il qu’un pas de la sagesse à la folie ? C’est en tout cas ce que nous suggère Claude Schmit dans La tristesse du hibou, son premier roman – philosophique. En plus d’écrire, Claude Schmit anime une émission – philosophique - à la radio, une sorte de passe-temps depuis qu’il a cessé d’enseigner… la philosophie. Donc, le hibou, symbole de la sagesse et de la connaissance par excellence, est triste. Triste que la philosophie désunisse. Au départ, il y avait bien une confrérie d’amateurs de philosophie. Mais après la mort du Maître, un gourou dont le lecteur enrage de ne pas en apprendre davantage au fil des évocations, tout se disloque. Certes, les fidèles se rencontrent encore parfois, mais la ferveur n’est plus la même qu’avant et puis il y a ce sentiment d’abandon et surtout de duperie, qui, question de pudeur sans doute, n’est évoqué qu’à demi-mot. Les fidèles, c’est bien beau, mais ce n’est pas palpitant ; il y a donc les dissidents aussi, un petit groupe qui enfle… et agit. De façon cérébrale, cela va de soi, car un philosophe, même repenti, ne devient pas une brute sanguine.
La tristesse du hibou de Claude Schmit ? C’est un peu du Dan Brown version européenne, humour et neurones en plus. Le gang, au nom nietzschéen, des dissidents a un message à transmettre au monde. Un message philosophique et chiffré, bien entendu, qui, tel une énigme, se complète parcimonieusement au fil des méfaits commis. Parmi la flopée d’inspecteurs en charge de l’enquête, l’un – portant le nom ô combien évocateur de Sloterdijker – est parvenu à déchiffrer le fameux message. Mais il ne sera pas récompensé d’avoir été éclairé car ce n’est finalement pas la gloire prévue qui l’attend au bout du chemin.
La gloire, David Denker, un professeur-assistant de philosophie aux airs du starissime Richard David Precht, l’a atteinte, ce qui ne le préservera pas de connaître lui aussi un sort funeste. Et quid des (ex-)membres de la confrérie ? Ils sombrent tour à tour dans la folie. Des illuminés qui ressuscitent Adorno, Hannah Arendt, Descartes, Heidegger, Kant, Nietzsche, Pascal, Platon, Rousseau, Socrate et Spinoza et avec lesquels ils conversent en toute normalité. Philosopher présagerait-il forcément du funeste ? « Arrêtons de philosopher » serait-il le mot d’ordre de Claude Schmit ? Pas si sûr. Et s’il voulait a contrario en redorer l’éclat ? « Rarement tant de gens se sont mis à lire Ainsi parlait Zarathoustra ». Car philosopher, c’est avant tout questionner, interpréter, réfléchir. L’alternative possible ? La religion, la dictature, … Réfléchissons !