Au Luxembourg, les débats menés sur les enjeux sociaux et culturels de l’architecture sont peu nombreux et les publications consacrées à ce thème s’avèrent être encore moins nombreuses. La nouvelle revue annuelle Opinions s’est fixé l’objectif d’analyser la situation de l’architecture et de l’aménagement urbain au Luxembourg et de les remettre en question. Un premier volume, sorti en septembre 2012, met en avant les thèmes de la communication et de la participation citoyenne dans les projets urbains, analysés par le biais de l’évolution de la transformation de la ville de Bruxelles permettant de tirer des parallèles avec la situation dans notre capitale.
Après une brève introduction en la matière par Shahram Agaajani, fondateur de l’asbl. Carnet d’Opinions et cofondateur de Metaform architecture, le débat est ouvert avec un texte de Nicolas Hemeleers, juriste, urbaniste et conseiller de la Ministre bruxelloise de la rénovation urbaine, sur le dialogue dans les projets urbains à Bruxelles. La ville a instauré en 1994 des « contrats de quartier » qui visent à faire participer les habitants dans le dialogue avec les autorités publiques et les acteurs professionnels (bureaux d’études en urbanisme et architectes) ainsi qu’à inclure des logements et des espaces publics dans le réaménagement des quartiers détériorés. Ces contrats se révèlent être un bon outil pour conférer à la ville une certaine convivialité et chaleur humaine. À remarquer toutefois qu’à une échelle plus importante, telle que les plans de réaménagement, la participation citoyenne se fait plus hésitante.
Alors que Loïc Géronnez, lui aussi conseiller de la Ministre bruxelloise de la rénovation urbaine, voue son article à la même question, analysée d’un point de vue de sociologue et économiste, Vincent Calay, chercheur postdoctoral en sciences politiques et sociales à l’Université libre de Bruxelles, cible son analyse sur le quartier européen de Bruxelles. Il met ainsi en avant la participation citoyenne moyennant la constitution d’un Fonds quartier européen incluant les grands propriétaires du quartier et visant à optimiser l’image du quartier et à recréer une mixité. Dans son article « Ce que ‘faire participer’ demande », Mathieu Berger, professeur en sciences politiques et sociales à l’Université catholique de Louvain, tire les conclusions des contrats de quartier à Bruxelles, forts d’une expérience de presque 20 ans. Afin de réussir, il faut de l’enthousiasme de la part des comités d’habitants, mais aussi et surtout la volonté d’implication de la part des représentants publics.
La situation au Luxembourg est thématisée dans trois brèves contributions : un article de Robert Philippart, collaborateur scientifique à l’Université catholique de Louvain et, entre autres, expert au MNHA, un entretien avec Camille Gira, bourgmestre de la commune de Beckerich, et un texte du groupe de travail « Porte de Hollerich » (Teisen & Giesler architectes), une initiative qui intègre les habitants dans les débats menés autour du projet. Robert Philippart resitue historiquement la participation des citoyens dans le réaménagement urbain au niveau national, commençant par le démantèlement de la ville forteresse et son évolution en ville ouverte. De son côté, Camille Gira parle des commissions communales à Beckerich regroupant 70 à 80 citoyens, qui permettent elles aussi d’impliquer les habitants dans les débats de politique communale.
Ces textes consacrés à la situation au Luxembourg paraissent nettement trop courts face aux contributions pointues et réfléchies sur l’évolution urbaine à Bruxelles, renvoyant non seulement à la nécessité de promouvoir une analyse nationale dans le domaine de l’urbanisation et de l’architecture mais aussi au besoin d’une masse critique de personnes qualifiées afin de stimuler une telle analyse. En effet, même si un Master en architecture est envisagé pour la rentrée académique 2013 à l’Université du Luxembourg, il y a une franche absence de réflexions théoriques en la matière. Considéré sous ce point de vue, Opinions constitue – malgré quelques fautes grossières au niveau de la mise en page – une bonne contribution au débat continuel d’un marché immobilier national certainement trop spéculatif car agissant dans un but purement lucratif et omettant de prendre en considération par exemple les concitoyens au revenu plus modeste.