La banlieue Est de Londres déboule à Luxembourg avec la compagnie Boy Blue Entertainment et son énergie à couper le souffle dans un « tribute au manga ». De la musique-danse des Block parties du Bronx dans les années 1970 à une institutionnalisation de la street-dance. La salle était comble de jeunes gens pour le passage sur deux dates de la Compagnie de danse Hip hop, Boy Blue Entertainment et leur création : The Five & the Prophecy of Prana. Enthousiasme et rumeurs de spectacle exceptionnel avant même le début.
À l’issue de la représentation, la troupe s’est livrée à une discussion avec le public, échange de questions-réponses sur les périodes de répétition, l’écriture de la chorégraphie etc. Pourquoi commencer par la fin ? La discussion avec les artistes est précieuse en information. L’écriture de cette histoire originale mêlant hip-hop, manga et arts martiaux aura ainsi duré quatre ans entre l’idée initiale et les allers-retours vers le Japon et le célèbre auteur de manga Akio Tanaka pour trouver la forme d’écriture correspondant aux mangas.
Certains des danseurs auditionnés qui ne sont pas de la troupe et non des moindres n’ont eu que trois ou quatre semaines de répétition six jours sur sept, six heures par jour pour assimiler la création. Ainsi en est-il de Tommy Franzén, interprétant magistralement le rôle majeur de Wang Tang, professeur d’un art fusion du hip hop et des techniques d’arts martiaux. Franzén avait été antérieurement déjà remarqué dans la création de Russell. Maliphant The Rodin Project. Acteur, danseur de hip-hop, ses inspirations Tai-chi dans les solos ouvrent à l’infini les possibles emprunts aux diverses formes de mouvements.
Hip hop, arts martiaux se combinent à merveille, même si l’un est très « terrien » et l’autre plus « aérien » sur une fiction aux airs de mangas. La complexité des enchaînements s’oppose à la simplicité de l’histoire. Cinq jeunes délinquants sont pris dans les filets d’une sombre rivalité opposant des guerriers. Ils sont mis devant la possibilité de subir un enseignement du maître Wang Tang. Cet apprentissage et la maîtrise de celui-ci permettront de faire régner le bien et la paix dans un Japon tantôt moderne tantôt traditionnel.
Le hip hop et le style spécifique de chaque danseur est caractérisé par un animal telle une correspondance naturelle. De même, un certain type de danse s’y trouve associé : le krump pour le Gorille, Le popping, boogaloo et waving pour le serpent, le break dance pour le scorpion, la house pour le cheval et le locking pour le cran. Rapidement, le scorpion, la cigogne, le serpent, le cheval, le gorille en fond de scène identifient les danseurs sur fond de manga comics et de d’animations visuelles très novatrices.
Le tempo est soutenu et pourtant les artistes effectuent les uns après les autres des prestations incessantes et toujours incroyablement physiques. La caractérisation des danseurs-personnages animés permet de mettre en valeur Soo-Lin et sa souplesse arachnéenne.
La concentration et un décompte permanents permettent d’éviter les coups lors des scènes de combats parfaitement mises au point. Kenrick, « H20 » Sandy (chorégraphe) et Michael, « Mikey J » Asante (compositeur), les créateurs ont obtenu une consécration aux Olivier award de 2007 pour Pied Piper. La vidéo de The Five & The Prophecy of Prana, produite par le studio d’animation Yeast Culture, est détonante.
Le design scénique fortement conditionné par les illustrations de Tanaka, évoquent le monde spirituel de Wang Tang dans des projections vidéo qui décuplent les prouesses des mouvements d’arts martiaux. La musique originale est elle aussi à la croisée des genres (percussions japonaises, hip hop, musique classique et électronique). Emmanuelle Ragot