Les auditions des commissaires désignés par le Président de la Commission européenne se sont tenues au Parlement cette semaine à Bruxelles et se poursuivront les 18 et 19 janvier à Strasbourg. C’est pour les 736 eurodéputés l’occasion d’afficher leur pouvoir de remettre en cause les choix des États membres et la répartition des postes opérée par José Manuel Barroso.
Une arme déterminante Les auditions sont l’occasion pour les eurodéputés d’afficher leur autorité face aux vingt-sept capitales, qui ont choisi les commissaires, et face au président de la Commission, qui a réparti les portefeuilles. C’est l’opportunité de tester les futures relations entre les commissaires et les eurodéputés, qui légiféreront à partir des propositions du nouvel exécutif européen. Une question d’autant plus cruciale qu’un pouvoir de codécision est octroyé aux élus par le Traité de Lisbonne. Au bout de l’examen de passage, ils auront à investir en théorie, l’ensemble de l’équipe jusqu’en 2014 ou la censurer. L’éviction de membre pris individuellement n’est donc pas prévue, mais depuis 2004, s’est créée une sorte de « jurisprudence » qui a conduit deux candidats à la démission et à une redistribution des rôles. En effet, les motions de défiance en 2004 de Rocco Buttiglione suite à des propos polémiques sur l’homosexualité, le rôle des femmes dans la société et le traitement des réfugiés et de la Lettone Ingrida Udre pressentie pour la fiscalité à qui ont été reprochées des irrégularités dans le financement de son parti ont ouvert une brèche. Ainsi que la remise en cause de l’attribution du portefeuille de la politique énergétique au Hongrois László Kovács, qui a dû prendre la fiscalité à la place.
La procédure La pratique des auditions n’est pas inscrite dans les Traités et n’est donc pas officiellement contraignante. Devenue depuis 1994 une pratique courante, elle relève d’un accord-cadre entre la Commission et le Parlement. Ce dernier, pour donner plus de poids à ce contrôle a, en 2008, inscrit sa procédure dans son règlement intérieur.
Après avoir été répondu à un questionnaire écrit des parlementaires, les candidats commissaires doivent se soumettre à un grand oral de trois heures conduit par des commissions parlementaires spécialisées dans leurs domaines de rattachement. Une commission, parfois plusieurs, évalue(nt) leurs compétences, leur engagement européen et leur indépendance. Viviane Reding pressentie pour le poste de commissaire à la Justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, a par exemple répondu aux questions des commissions affaires juridiques, libertés civiles et femme.
Après chaque audition, il est procé-dé à une évaluation du commissaire candidat à huis clos par la (ou les) commission(s) parlementaire(s) impliquée(s). Ces évaluations sont ensuite présentées à la conférence des présidents de groupes et à celle des présidents de commissions qui peuvent déclarer la clôture du processus ou demander de plus amples informations. Le président de la Commission présente ensuite son collège dans son ensemble lors d’une plénière à laquelle participe le Conseil. S’ensuit un débat et le vote final permettant « d’approuver ou non la nomination, en tant qu’organe, du président élu et des commissaires désignés ». Ce vote par appel nominal à la majorité des suffrages exprimés, est prévu pour le 26 janvier.
Simple formalité ou risque de défiance ? Informel à son origine en 1994, c’est devenu « un grand oral devenu de plus en plus difficile », témoigne le commissaire français sortant Jacques Barrot. « Je me sens comme un poulet rôti » a déclaré Olli Rehn à la sortie de son audition, pourtant rompu à l’exercice.
Cette mise sur le gril n’est pas aussi offensive qu’en 2004, puisqu’il importe d’instaurer au plus vite la nouvelle Commission et afin de passer au travail législatif de fond. Cependant certaines auditions ont été et promettent d’être difficiles. La commission Affaires étrangères n’a pas ménagé Catherine Ashton, désignée comme haut représentant aux affaires étrangères de l’Union qui a ouvert le bal lundi. La Bulgare Romania Jeleva, investie au portefeuille de la coopération, a dû répondre à des questions embarrassantes sur ses activités présumées au sein d’une société de conseil et les rumeurs lancées contre son mari, banquier suspecté d’accointance avec la pègre. Le Tchèque Stefan Füle, désigné comme commissaire en charge de l’élargissement et de la politique de voisinage, a essuyé mardi quelques piques sur son parcours politique et sa formation à l’institut d’État soviétique des relations internationales de Moscou. Il s’en est bien sorti et sa prestation claire et très professionnelle a convaincu les députés de tous bords.