Air Rescue vient d’entamer une large campagne dans les médias pour contrebalancer les informations, révélées par Den neie Feierkrop du 23 février 2001, selon lesquelles l’association s’adonnerait davantage à des activités commerciales qu’au sauvetage de personnes accidentées respectivement au rapatriement de personnes malades. Il est effectivement difficile de contrôler les activités d’Air Rescue, que ce soient les faits reprochés ou l’opportunité d’avoir recours au sauvetage par hélicoptère au lieu du Samu ou de la Protection civile. Si abus il y a, les faits pourraient toutefois être reprochés à Air Rescue parce que l’association est conventionnée et a obtenu le statut d’« utilité publique ».
En ce qui concerne le secteur privé du transport de personnes malades, il en va cependant tout autrement. Aucune législation, aucun règlement ne gouverne le secteur des ambulances dotées d’une croix bleue qui sont spécialisées dans le rapatriement et, surtout, l’acheminement de patients vers un hôpital traitant, à l’exclusion des transports d’urgence1. En cas de réclamations, difficile dès lors de se faire entendre.
Après un accident d’escalade survenu en Autriche, en août 2000, et une intervention chirurgicale délicate sur place, un habitant de la capitale organise son rapatriement vers le Luxembourg. L’homme prend contact avec son assurance spéciale, la Caisse médico-chirurgicale mutualiste qui a son tour délègue à Mutex Assistance l’organisation du retour. Comme le patient est toujours souffrant et doit être transporté en position couchée, il préfère un rapatriement par ambulance plutôt que par voie aérienne qui aurait dû se dérouler en plusieurs étapes et aurait surtout entraîné plusieurs changements de moyen de transport. Jusque-là, la procédure a pris son cours normal : l’accidenté fraîchement opéré est informé le dimanche suivant sa demande qu’une ambulance luxembourgeoise serait présente le lendemain pour l’acheminer vers un hôpital luxembourgeois. Mais ce qui s’ensuit ressemble plus à un cauchemar qu’à un transport de malade, à lire les témoignages de l’intéressé2 :« La montée du Fernpass se fait à vive allure et c’est à la descente du col que le chauffeur se met à doubler les voitures qui précédent et que les mouvements du véhicule sont carrément intenables. Je vous signale que mon brancard n’a pas de rehaussement latéral pour parer aux mouvements latéraux du véhicule et qu’il n’y a pas de ceinture de sécurité pour le malade. Comme je suis sportif et en assez bonne condition physique, j’arrive tout juste à contrecarrer les effets des mouvements du véhicule sur ma civière, sans parler des douleurs que tout ceci engendre (...) Il commence à faire vraiment chaud, comme le soleil tape fort et que notre ambulance est démunie de climatisation (...) Vers midi nous nous arrêtons pour quelques minutes sur une aire de service et mes deux accompagnateurs me laissent seul pour aller manger un sandwich. C’est après leur retour que je leur fait remarquer que moi aussi j’avais faim et j’avoue que le brancardier s’excuse de m’avoir oublié (...) Le brancardier et son patron se relayaient pour conduire. C’est le patron, assis à côté de moi, qui me raconte en passant qu’ils n’avaient pas dormi la nuit précédente et qu’ils avaient préféré attendre minuit et demi du lundi matin pour ensuite faire un aller retour non stop Luxembourg-Autriche-Luxembourg ‘par simplicité’. Il affirme même qu’il avait l’habitude de ce genre d’exercice (...) Comme il fait toujours horriblement chaud et comme personne ne m’a rien offert à boire jusqu’à présent (...) Notre dernier incident se produira ± 20 km avant la frontière luxembourgeoise sous forme d’une panne sèche en plaine autoroute. Mon chauffeur est donc obligé de garer son ambulance sur la bande de secours de l’autoroute et vient à l’arrière pour m’expliquer que sa jauge de fuel était défectueuse (...) Toujours est-il que le patron refuse d’appeler la police et il cherche donc à joindre sa femme au Luxembourg pour venir nous dépanner. Comme l’épouse ne répond pas, c’est le brancardier qui se fait emmener par une voiture de passage pour aller trouver du diesel (...) Je reste donc pendant très exactement deux heures entières cloué sur mon brancard dans une ambulance horriblement chaude immobilisée sur une bande d’arrêt d’autoroute. Petit détail en marge, il n’y avait pas de triangle de secours(...). »
Une fois rétabli de ces blessures et de son périple du moins aventureux, le patient informe le Conseil médical, l’Union des caisses de maladie, la Caisse médico-chirurgicale et Mutex Assistance de ses péripéties. Non pas pour obtenir quelque dédommagement, mais plutôt pour faire part de son étonnement qu’une chose pareille soit possible : « Selon les propres dires du patron, il transporterait surtout des personnes âgées pour des transferts entre maisons de soins et cliniques, respectivement des patients atteints d’un cancer pour des traitements à l’étranger et je vous laisse le soin de juger du professionnalisme d’un tel service envers des patients toujours en état d’infériorité et normalement incapables de formuler la lettre que je viens de vous soumettre ». Il n’y eut pas de réponse à sa lettre.
Après son intervention auprès du ministère de la Santé, la réponse de ce dernier était très brève, disant que « les transports ambulanciers hors Service ambulancier d’urgence relèvent du ministre de l’Intérieur ». De ce dernier, bien que le courrier lui ait été transmis par le ministre de la Santé, la réponse se fait toujours attendre. Et pour cause.
Pour exploiter une ambulance privée « à croix bleue », nul besoin d’avoir quelque qualification spécifique si ce n’est celle nécessaire pour obtenir l’autorisation de faire le commerce, catégorie transporteur de personnes, auprès du ministère des Classes moyennes. L’exploitation d’une entreprise d’ambulance privée n’est en effet liée à aucune réglementation spéciale, le métier lui-même ne diffère pas de celui d’entrepreneur de taxis – c’est-à-dire qu’aucune connaissance ou formation spécifiques ne sont requises pour transporter des personnes malades ou souffrantes.
D’autre part, le contrôle technique des véhicules se fait de façon tout à fait ordinaire, au même régime que la voiture de madame et monsieur tout le monde – à l’exception notoire des « équipements techniques spécifiques » parmi lesquels le gyrophare figure en première place. De normes minimales concernant l’équipement spécifique d’une am