L’espace du Ratskeller du Cercle Cité n’est pas muséal, ni tout à fait une galerie. Le challenge consiste de plus à attirer les passants à l’intérieur. C’est donc essentiel d’installer une œuvre qui sache séduire, visible depuis la rue du Curé. C’est chose faite pour la présente exposition Salzbourg-Luxembourg III, grâce au néon orangé d’une des œuvres de Marco Godinho présentées par le curateur luxembourgeois, notre confrère Lucien Kayser. Politesse oblige, on aurait pu croire que cette distinction serait revenue à un – ou plutôt une, car ce sont trois artistes femmes autrichiennes que l’on pourra découvrir – choisies par le curateur autrichien Dietgard Grimmer, dans ce dialogue instauré avec la Galerie im Traklhaus de Salzbourg et qui présente ici sa troisième édition.
Marco Godinho (né en 1978, il partage son temps entre Luxembourg et Paris) sait habillement manier la transposition conceptuelle de faits sociaux et politiques sous forme de récits visuels, sans jamais tomber dans le pathos ou la facilité. Ainsi de la grande pièce Nous, où les néons clignotent successivement « No » et « Us » sur fond de tas de papiers passés à la broyeuse, comme il se doit pour les documents censés rester confidentiels, voire secrets. Godinho donc, est suivi à l’intérieur du Ratskeller par l’autrichienne Lavinia Lanner (née en 1985, elle vit entre l’Autriche et la capitale italienne), qui partage avec le Luxembourgeois un mode d’expression proche de l’écriture. Car l’apparence ici est trompeuse : non, la série Brushstroke, ce ne sont pas de rapides coups de brosse, mais une patiente élaboration au crayon à papier, ce qui interroge à la fois la représentation picturale en soi et le temps d’élaboration d’une œuvre : lenteur et réflexion appliquée versus rapidité et geste expressif.
Changement de rythme d’accrochage et d’expression dans le coin opposé : là, Vera Kox (sculptrice, elle vit à Berlin), donne une puissante interprétation, avec l’œuvre Reassuring Inertia, de la lutte de l’artiste avec les trois dimensions. Si la peinture tient littéralement en l’air, sertie dans deux plaques de verre, l’équilibre entre le lourd et le léger est interrogé au sol par des coussins qui coupent en deux des cônes en béton. Avec enfin la jeune Luxembourgeoise Sophie Jung, née en 1982, qui a élargi son exploration, partant de la photographie, à une expression plastique multiple, créatrice de récits tout personnels, puis les planches végétales une fois noires sur fond blanc et inversement, Mondas de l’autrichienne Petra Buchegger, suivies d’un rigoureux exercice sur la tension de formes dans l’espace de Sarah Pichlkostner (née en Autriche en 1988, elle vit à Amsterdam), le grand public pourra se familiariser, via cet échantillon de jeunes talents choisis par deux curateurs indépendants, avec la subtilité des expressions plastiques d’aujourd’hui.