C’est simple comme bonjour... et cela se passe de la façon suivante : vous achetez, disons dans une grande surface d’origine française au Kirchberg, le DVD BluRay d’une grosse production américaine récente. Ce DVD contient un code à l’aide duquel vous pouvez télécharger une copie du film soit pour la stocker sur votre ordinateur personnel, soit sur votre iPod ou votre iPad. En tant que consommateur luxembourgeois qui a payé le prix fort pour bénéficier de cette possibilité, vous vous retrouverez sur un site belge, où l’on vous dit qu’un téléchargement est impossible, puisque le service est réservé uniquement à la Belgique et que votre adresse email se termine par .lu.
Si vous avez acheté le DVD en France, votre code vous mènera sur un site français où l’on vous raconte exactement la même chose, pas citoyen français, pas de téléchargement possible pour les Lulus. Dans le disque BluRay de Shrek 4 acheté au grand-duché, un code unique vous propose « d’épargner des points » pour gagner des « cadeaux Dreamworks ». Une fois arrivé sur le site www.familystars.be pour « épargner vos points », c’est de nouveau l’infranchissable mur de Gramont devant lequel vous atterrissez puisque, vous l’avez deviné, le service est réservé aux résidents belges, le grand-duché n’étant même pas prévu sur la fiche d’inscription.
Depuis quelque temps, les grands distributeurs de DVD en Belgique comme en France, sont en train de mettre en place des « clubs de collectionneurs » où, pour un nombre X de DVD ou de BluRay achetés, vous avez droit à une galette gratuite. Mais, hélas, toujours le même problème, en tant que consommateur luxembourgeois qui a payé le même prix que ses voisins français ou allemands, vous avez beau rugir comme la souris du proverbe, vous n’existez tout simplement pas. Luxembourg, trou noir de l’Europe ou trou du cul du monde ?
Tenez, la VOD, la video on demand. En Belgique aussi bien qu’en France, il existe désormais une ribambelle de possibilités, que ce soit chez Cinéart, chez France Télévisions, chez Virgin Mégastore, chez la FNAC ou chez Canal Plus, pour télécharger des films ou des séries télévisées, soit pour les regarder une fois, soit pour les stocker définitivement sur vos disques durs. Pour ceux qui ne tiennent pas nécessairement à avoir une copie du DVD dans leur collection, ce service (déjà très populaire chez nos voisins) représenterait une alternative viable pour le collectionneur, mais, évidemment, le message qui s’affiche sur votre écran risque très fort de ressembler à ceci : « Ce service est réservé au territoire français (ou belge) pour des questions de droits de retransmission. Nous travaillons actuellement à l’achat de droits pour élargir la disponibilité de ce produit à d’autres pays. »
Pire encore ! Big « Apple », la grosse pomme de Steve Jobs, gagne actuellement des milliards avec la vente d’iPods, d’iPhones et autres iPads. Ces petites merveilles de technologie que l’on paie au prix fort ne permettent pas seulement de télécharger de la musique (contre espèces sonnantes) sur iTunes, mais aussi de se procurer des films récents ou des séries télévisées pour les regarder à son aise, sur son ordinateur, son iPod, son iPad ou même sur son téléviseur (en passant par un adaptateur vendu par Apple, vous vous en doutez). Si l’achat de la musique est désormais possible puisqu’il existe un shop iTunes pour le Luxembourg, aucun film et aucune série n’est actuellement disponible pour nous autres Luxos qui sommes pourtant de très gros consommateurs audiovisuels. Tenez, alors que, en tant que client luxembourgeois via Amazon vous pouvez télécharger plein de bouquins sur votre lecteur Kindle, l’Apple Store n’a aucun livre à proposer actuellement aux clients luxembourgeois, sauf quelques titres du domaine public (des classiques de la grande littérature) que vous téléchargerez gratuitement.
Un mail envoyé récemment à Apple Cupertino pour demander des explications concernant ce désolant état des choses a fourni une réponse qui ne veut strictement rien dire : « Pour l’instant, une telle offre n’est pas possible, elle est à l’étude pour votre pays et les clients luxembourgeois seront informés le jour où tout cela sera mis en place. » En d’autres termes, foutez-nous la paix – vos 500 000 zigotos ne nous intéressent pas. Mais ces mêmes 500 000 zigotos intéressent fortement Apple quand il s’agit d’installer ses services de vente dans notre pays pour des raisons de taxation intéressante ou de TVA avantageuse.
Le problème du grand-duché de Luxembourg, outre sa taille minuscule et le nombre très restreint de ses habitants, a toujours été celui d’être économiquement rattaché à la Belgique. Votre voiture, même si elle est allemande, doit automatiquement transiter via la Belgique avant qu’elle n’arrive dans votre garage, même chose pour vos téléviseurs et autres appareils ménagers ainsi que pour pratiquement toute denrée alimentaire arrivant dans votre frigidaire. Il en va de même pour les films qui passent au cinéma chez nous et qui sont exclusivement fournis par les distributeurs installés en Belgique qui, eux, doivent acheter les droits pour le Luxembourg s’ils veulent que les films soient exploités sur nos écrans. Donc, ce qui n’est pas disponible en Belgique (grand nombre de films allemands par exemple), ne peut pas être montré au Luxembourg, à moins que l’exploitant luxembourgeois achète lui-même, et à très grands frais, les droits pour notre pays directement chez le producteur allemand, ce qui est rarement rentable.
Pour ce qui est des droits d’exploitation vidéo ou de video on demand, ils sont évidemment vendus territoire par territoire, surtout en ce qui concerne les productions indépendantes, en d’autres termes, les films qui sont vraiment intéressants. À Luxembourg, à part la Telé vun der Post qui propose un nombre restreint de films porteurs et très peu de productions plus pointues « à la demande » (mais uniquement sur votre téléviseur), il n’existe actuellement aucune possibilité légale (et forcément payante) de télécharger des films sur votre ordinateur ou votre iPad. Et compte tenu de l’exiguïté de notre territoire et du nombre très restreint de clients potentiels, il ne va certainement pas se trouver un investisseur prêt à courir le risque de mettre en place un tel service exclusivement pour le Luxembourg. Et comme nos chers voisins belges ou français ne semblent guère intéressés à acheter les droits VOD pour notre pays, nous continuerons donc de broyer du noir sur nos clinquants iPad pendant de longues années encore, ce qui ouvre largement la porte à toutes sortes de pirateries. Beggars can’t be choosers !
De toute façon, compte tenu de la vitesse risiblement restreinte des actuelles connections Internet dans notre pays si « futuriste », la vidéo sur demande reste un couteau à double tranchant.
Véronique Poujol
Kategorien: Internet, Telekommunikation
Ausgabe: 23.12.2010