Les femmes entrepreneurs sont à l’honneur. Le 5 décembre, le quotidien français La Tribune remettait en grande pompe ses deuxièmes Women Awards. La semaine précédente avait été publié le palmarès de 50 PME performantes dirigées par des femmes.
Depuis 2010, l’association Women Equity for Growth a construit un panel de 2 900 sociétés françaises, dont des femmes sont présidentes, directrices générales ou gérantes1.Cet Index Women Equity, parrainé par BNP Paribas Wealth Management, fait apparaître que les PME gérées par des femmes sont plus performantes en termes de croissance comme de rentabilité : ainsi, 66 pour cent (p.c.) d’entre elles (contre 57 de celles dirigées par des hommes) ont eu un chiffre d’affaires strictement croissant sur le dernier exercice, et 61 p.c. sur les trois dernières années (contre 58 p.c.). D’autre part, 43 p.c. (contre 40) ont eu un excédent brut d’exploitation (EBE) strictement croissant sur trois ans.
Au sein de cet index, l’association a retenu les cinquante entreprises les plus performantes, en fonction des critères suivants : croissance en volume et en valeur du chiffre d’affaires sur l’année 2010, et sur la période 2007-2010, niveau du ratio EBE sur chiffre d’affaires en 2010 et croissance moyenne de l’EBE sur trois ans.
Les cinquante sociétés du palmarès Women Equity 2011 ont réalisé en 2010 un chiffre d’affaires total de près d’un milliard d’euros, soit une moyenne de 20 millions, assez peu significative en fait car elles s’étagent entre quatre et 100 millions d’euros.
En 2010, la croissance du chiffre d’affaires s’est établie à + 33 p.c., en nette accélération par rapport à 2009, où l’augmentation avait été de 14,6 p.c. Elle est aussi plus forte que celle de l’ensemble des entreprises retenues dans l’Index Women Equity 2011 : leur chiffre d’affaires a crû de 4,8 p.c. en 2010 après une baisse de 0,6 en 2009.
La rentabilité des 50 meilleures PME connaît la même tendance, avec un EBE en croissance moyenne de 29,4 p.c. par an sur les trois dernières années, atteignant le niveau respectable de 16,1 p.c. du chiffre d’affaires en 2010.
Tous les secteurs d’activités sont représentés dans le palmarès des 50. Le secteur dominant, à plusieurs titres, est celui de la distribution spécialisée : il classe douze sociétés dans le palmarès, dont quatre dans les six premières, avec un chiffre d’affaires et un EBE en progressions respectives de 25,6 et de 40 p.c. sur trois ans. Huit sociétés sur douze relèvent du commerce de détail de l’habillement, de la chaussure et de la maroquinerie, des activités traditionnellement féminisées. Quatre autres secteurs sont bien représentés, regroupant près des deux tiers des entreprises : les activités TMT (technologie-medias-telecom, neuf sociétés) l’industrie (huit sociétés), la construction-BTP (huit) et la santé (sept). Ce dernier se distingue par la progression de son chiffre d’affaires (+ 44 p.c. sur trois ans), les TMT par l’évolution de la rentabilité (l’EBE augmente de plus de 30 p.c. sur trois ans).
Ces quatre secteurs ne sont pas réputés pour leur féminisation. Mais les femmes y performent particulièrement. On note en effet que la construction et le bâtiment d’une part, la santé d’autre part, sont deux fois plus représentées dans le palmarès que dans le panel de sociétés, mais souvent avec des tailles réduites (les entreprises de construction n’affichent qu’un chiffre d’affaires moyen de 6,8 millions, très inférieur à la moyenne du classement).
De plus, certains secteurs sont très faiblement représentés comme le transport, l’industrie agroalimentaire, l’immobilier et la restauration (ce qui, pour les deux derniers cas, est assez surprenant).
Sans surprise, c’est la région Île-de-France qui se taille la part du lion dans le palmarès, avec 18 sociétés sur les 50, deux fois plus que la région suivante (Rhône-Alpes). C’est la région la plus riche de France, avec un taux d’activité féminin élevé et des écarts de rémunération entre hommes et femmes plus faibles qu’ailleurs. En y ajoutant la Provence-Alpes-Côte d’Azur (cinq sociétés), trois régions rassemblent les deux tiers des entreprises du palmarès. Cette répartition géographique est cohérente avec celle de l’ensemble des sociétés françaises dirigées par des femmes, présentes dans l’Index Women Equity 2011, l’Île-de-France en accueillant 26,3 pour cent et la région Rhône-Alpes 11,2.
L’accès des femmes à l’entrepreneuriat se fait principalement par la création d’entreprise, près d’une firme du palmarès sur deux répondant à ce critère. Un quart des dirigeantes du palmarès ont accédé au poste de direction par la reprise d’une entreprise. À noter que 17 p.c. des dirigeantes sont à la tête de l’entreprise familiale. Seules 11 p.c. des femmes chefs d’entreprises le sont devenues suite à un parcours interne « classique ». Cette situation d’accès privilégié à la direction de l’entreprise par la création est à rapprocher des difficultés rencontrées par les femmes dans leur accession aux postes à responsabilité au sein des entreprises en tant que salariées.
L’étude ne dit rien des raisons pour lesquelles des sociétés women-led (dirigées par des femmes) sont plus performantes, mais ses résultats légitiment l’intérêt porté par les investisseurs professionnels à ces entreprises.
En effet, l’association Women Equity for Growth, a été créée à des fins d’étude par le fonds de capital-investissement Women Equity Partners, la première structure en Europe focalisée sur les entreprises dirigées par des femmes ou faisant preuve d’une mixité exemplaire au sein de leurs instances de direction. Women Equity Partners, qui rassemble une équipe de cinq associés, est elle-même une émanation de la banque d’investissement française Bryan, Garnier [&] Co, une entité indépendante créée en 1996, spécialisée dans le financement des valeurs de croissance, qui développe actuellement un programme d’investissement socialement responsable.
Malgré leur potentiel, les PME gérées par des femmes sont encore très peu représentées au sein des portefeuilles des acteurs du private equity. Leur attractivité n’en est pas la cause. Cette situation s’explique, en France comme dans la plupart des pays occidentaux, par leur plus faible visibilité et la moindre intégration de leurs dirigeantes dans des réseaux d’affaires organisés.
La situation pourrait rapidement changer, d’autant que les « capital-investisseurs » ont une autre bonne raison de s’intéresser aux entreprises women-led : selon une étude récente conduite sur 600 entreprises européennes ayant des investisseurs professionnels dans leur capital, les entreprises dirigées par des femmes ont requis en moyenne 35 pour cent de capital en moins pour générer douze pour cent de revenus en plus.