21,5 pour cent% des candidats élus lors de ces élections communales 2011 sont des femmes – c’est le taux calculé par le CNFL, le Conseil national des femmes du Luxembourg suite au scrutin de dimanche dernier. Par rapport aux élections communales de 2005 (20,6 pour cent) ceci représente une progression de 0,9 pour cent … Un résultat peu satisfaisant surtout en le comparant au taux moyen de femmes qui s’étaient présentées sur les listes électorales dans les communes votant selon le système proportionnel : selon le CID-Femmes, le taux de candidates variait selon les partis entre 31,6 et 46,4 pour cent – ce qui représentait une nette progression pour tous les partis.
Si en principe, on peut se réjouir de cette amélioration, tout n’est pas gagné pour autant, et l’analyse des résultats le montre bien : l’augmentation du taux de femmes candidates est une condition indispensable, mais insuffisante pour faire progresser significativement et dans un laps de temps raisonnable la représentation des femmes en politique.
En effet, il suffit de considérer les partis qui se sont dotés de quotas volontaires ou qui se sont imposés la parité. Même pour ces partis, le nombre de femmes élues n’a progressé qu’à long terme et grâce à des candidatures de femmes déjà connues et d’une politique conséquente de promotion et de soutien en faveur des femmes candidates.
Il s’agit pour ainsi dire d’un secret de polichinelle : notre système électoral avec des listes ouvertes et des possibilités de panachage illimitées favorise certainement les candidatures connues au dépens des candidatures nouvelles, moins connues, qu’il s’agisse de jeunes, d’étrangers, de femmes ou d’hommes – et cela sans aucun égard aux capacités et compétences.
Le fait que dans quelques communes les femmes ont tout de même pu réaliser un bon score – douze élues sur 27 au Conseil communal de la Ville de Luxembourg – tient principalement au fait que celles-ci se trouvaient dans une position avantageuse dès le départ parce que leur nom était déjà suffisamment connu (pour les raisons les plus diverses) pour attirer un nombre élevé de suffrages.
Il n’en reste pas moins qu’il s’agit plutôt d’un phénomène isolé et que globalement, et dans la très grande majorité des communes (comme d’ailleurs à la Chambre des députés), on est très loin de la parité.
D’ailleurs, la situation au Luxem[-]bourg – que ce soit au niveau communal ou national – est plutôt semblable à celle que l’on trouve à l’étranger : selon les données de l’Union interparlementaire, la proportion des femmes dans les parlements du monde entier augmente lentement : 4,9 pour cent en 1960, 8,7 pour cent en 1980, 11,9 pozr cent en 2000 et 18,6 pour cent en 2008. A noter que dans la plupart des pays d’Europe (à part les pays nordiques) la représentation des femmes n’est, avec un taux de 19,3 pour cent, guère plus élevée que dans les pays d’Asie (18,3 pour cent) ou d’Afrique subsaharienne (18 pour cent).
Même s’il semble y avoir progression, ce rythme est trop lent. Il faut accélérer le processus et déceler les mesures adéquates pour remédier à la sous-représentation des femmes en politique – un état de fait inacceptable dans une démocratie qui mérite son nom.
En effet, l’absence de représentation équilibrée des femmes et des hommes menace la légitimité démocratique et constitue une violation du droit fondamental à l’égalité. La politique des responsables reflète les priorités de ces derniers qui sont déterminés par leur expérience de vie différente selon l’appartenance à l’un ou l’autre sexe – parce que l’humanité est sexuée, elle doit participer dans ses deux composantes à la prise de décision sur la chose commune (res publica).
Atteindre une proportion adéquate d’hommes et de femmes en politique n’est pas un but en soi, mais un moyen pour changer la politique afin que ses décisions tiennent compte des priorités des deux moitiés de l’humanité. Sachant que celles-ci comprennent chacune en son sein toutes les catégories de la société (catégories socioprofessionnelles, jeunes et vieux, chômeurs, actifs, retraités, bien portants ou malades etc.), il s’agit donc d’y accorder une attention toute particulière.
Dans son Rapport sur l’impact des systèmes électoraux sur la représentation des femmes en politique, basé sur une contribution de l’expert allemand Michael Krennerich, la Commission de Venise du Conseil de l’Europe conclut que « la combinaison suivante semble théoriquement favorable : scrutin de liste proportionnel dans de grandes circonscriptions et/ou une circonscription recouvrant l’ensemble du territoire national avec un seuil légal, des listes bloquées et un quota obligatoire prévoyant non seulement une forte proportion de candidates, mais également des règles strictes de placement de ces candidates sur les listes (dans le cadre, par exemple, d’un système d’alternance hommes/femmes) et des sanctions efficaces en cas de non-respect. »
Il faudra donc, au Luxembourg comme dans les autres pays, introduire non seulement des quotas obligatoires, mais également ouvrir la boîte de Pandore et s’attaquer à la réforme de notre système électoral pour aller en direction d’un système tel que préconisé par la Commission de Venise. Dans mon rapport présenté à la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, rapport intitulé Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux, j’ai suivi la même voie. Il faudra donc abolir le panachage pour introduire un système où les partis présentent des listes fermées ou bloquées, avec de préférence une tête de liste bicéphale (une femme et un homme) et pour le restant de la liste un ordre de placement en alternance. En cas de non-respect, la sanction à prévoir est l’irrecevabilité de la liste.
Renvoyons dans ce contexte à l’initiative louable de Viviane Loschetter, qui en mars 2010 à déposé une proposition de loi modifiant la loi électorale modifiée du 18 février 2003 et visant à promouvoir une représentation politique paritaire des femmes et des hommes (doc. Parl. 6115-1). Dans son avis du 27 septembre 2011, le Conseil d’État est d’avis que « l’impact positif » des quotas est « actuellement très difficilement décelable » et qu’il existe « des problèmes probablement plus profondément structurels », qui seraient à l’origine du déséquilibre actuel. Selon le Conseil d’État, « il faudra placer la problématique de la représentation paritaire des femmes et des hommes dans une réflexion plus générale sur le système électoral du grand-Duché. »
Oui, oui… j’entends déjà les cris d’indignation, les arguments traditionnels des opposants à la parité et aux quotas : qu’un tel système ne serait pas démocratique et qu’il sera de toute façon difficile de trouver des candidates en nombre suffisant, parce que les femmes, du moins la plupart d’entre elles, ne s’intéressent pas à la politique ou ne sont pas prêtes à occuper un mandat politique. Et ce n’est peut-être pas tout à fait faux – du moins dans les conditions actuelles. Il est clair qu’il faudra parallèlement faire évoluer la société, les mœurs et l’attitude des femmes et des hommes. Pour motiver plus de femmes à faire de la politique, ce qui sera un bienfait pour les femmes et la politique, les hommes devront se résoudre à prendre leur part de responsabilité dans tous les domaines : en politique pour organiser son fonctionnement de façon à ce qu’elle soit conciliable avec la vie de famille ; et dans le domaine des tâches domestiques et familiales pour que celles-ci soient mieux réparties.
Une femme qui entre seule en politique, change.
Beaucoup de femmes qui entrent en politique, la changent.
La société devra changer en conséquence…