D’abord, il y a la découverte – révélatrice – qu’il existe des différences entre hommes et femmes. Ensuite, le constat que les hommes n’ont pas de lobby. L’étonnement de la ministre de l’Égalité des chances, Françoise Hetto (CSV), lors de la présentation mercredi d’une étude sur la prise en charge et les services d’aide pour les hommes, avait l’air authentique. Tout comme son ardeur à vouloir gommer l’étiquette « féministe » de l’ancien ministère de la Promotion féminine, histoire de le purger d’une tare jugée anachronique, au risque de le vider de toute substance.
Le moment est propice pour sauter dans la brèche, une niche béante s’étant présentée aux hommes qui se sont sentis victimes d’une politique unilatérale, relayés au second rang pendant toutes ces années où l’attention du ministère s’était focalisée sur l’amélioration de la condition féminine. « Nous ne nous sommes jamais posé la question s’il ne vous manquait rien, » lance donc la ministre à l’adresse des hommes au Luxembourg. Et aux journalistes, elle fait savoir qu’il fallait bien comprendre qu’une telle étude était indispensable, quitte à devoir aligner la coquette somme de 11 500 euros pour un inventaire de soixante pages sur les services de prise en charge psychosociale spécialisés en matière de garçons et d’hommes. 415 questionnaires avaient été envoyés aux différentes institutions, seulement 64 ont répondu. 26 interviews ont été réalisées pour pouvoir en tirer quelques conclusions.
Premier constat : il est faux de prétendre que le Luxembourg ne s’occupe pas des problèmes spécifiques liés à la condition masculine. Il existe une quarantaine de services et de projets axés sur ce sujet, la plupart concernent des difficultés familiales et des comportements violents. Pour les plus jeunes, les actions spécifiques sont centrées sur des sujets comme : école, formation, profession, violence, identité, thérapie. 18 institutions appliquent des programmes orientés à la dimension du genre.
Deuxième constat : toutes ces initiatives ne sont que peu connues par les gens du métier et la population.
Troisièmement : il existe des services qui s’occupent exclusivement des femmes, mais qui n’ont toujours pas de pendant du côté masculin.
L’étude en conclut donc qu’il faudrait créer un bureau central qui s’occuperait des hommes et des garçons en dificultés et qui pourrait les aiguiller vers une prise en charge spécifique. Il est d’ailleurs intéressant de voir que cette étude a été élaborée en collaboration avec deux membres de l’Initiativ fir Jongen a Männer, qui sont eux-mêmes partie prenante pour gérer ce bureau. « Nous avons lancé cette initiative pour voir ensuite ce qui va se passer dans ce domaine, » a précisé Georges Haan lors de la conférence de presse mercredi. Il est d’ailleurs aussi le responsable du service d’assistance aux auteurs de violence domestique Riicht eraus.
En substance, il s’agira encore de mettre sur pied « un centre de compétences » pour les professionnels, pour qu’ils considèrent davantage les spécificités masculines. Car, comme l’a encore souligné la ministre, « il n’est pas normal qu’il y ait plus de garçons qui ratent l’école que de filles. » Toujours est-il que la tendance est l’inverse en ce qui concerne les carrières professionnelles et les salaires. « Tout se tient, répond Françoise Hetto, basculant d’un coup vers un autre discours, il faut que les hommes s’impliquent davantage dans les tâches ménagères et la garde des enfants pour que les femmes puissent se consacrer elles aussi à leur carrière professionnelle. » L’homme ne serait-il donc plus une victime qui justifierait qu’un lobby défende ses intérêts ? « Il n’est pas acceptable de réduire l’homme à ses seuls déficits, lance alors Beate Stoff du bureau d’expert Plan B qui a réalisé le rapport, il faut plutôt développer ses compétences. » Une tentative pour ramener l’attention sur le sujet. Il existe de telles initiatives en Allemagne, en Suisse et en Autriche. Aucune dans les pays scandinaves. Au Luxembourg, certaines institutions ont elles aussi annoncé leur intérêt pour se lancer dans le « masculinisme ». Histoire peut-être de se diversifier un maximum pour ne plus dépendre exclusivement des deniers du ministère de la Famille.
Une chose est sûre : personne ne va plus être tenté de considérer la ministre comme une féministe, sauf peut-être quelques hardliners intraitables qui souhaiteraient qu’elle laisse tomber les quelques timides tentatives d’amélioration de la condition féminine qui lui restent encore. Fernand Kartheiser (ADR), par exemple, n’appréciera sans doute pas que son association des hommes luxembourgeois (AHL) ne soit mentionnée nulle part dans cette étude, même si elle a justement pour objet de militer pour les droits des hommes, pères et garçons.
On s’attend donc maintenant à une chouette campagne de sensibilisation. Et la célébration de la journée internationale de l’homme le 19 novembre (d’ailleurs les enfants, c’est le lendemain, 20 novembre). Le ministère organise la veille (18 novembre) une conférence sur le sujet à l’hôtel Melia dès 14 heures. Avec table ronde et réception.