Les chantiers dans le domaine de la Justice seront poursuivis dans les grandes lignes, le programme gouvernemental n’annonce rien de fondamentalement nouveau, à part l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Avec, pour conséquence logique, le droit qu’ont les époux d’adopter un enfant. Or, dans sa déclaration gouvernementale, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a encore précisé que les couples homosexuels pourront adopter les enfants de leur conjoint. Ce qui exclut en principe les autres formes d’adoption, pourtant ouvertes aux couples hétérosexuels. On doit donc s’attendre à des réactions acides de la part des organisations intéressées, fustigeant une nouvelle discrimination des personnes homosexuelles. Dans le texte gouvernemental, il est d’ailleurs précisé que « le gouvernement actuel n’entend pas aller au-delà en ce qui concerne les nouvelles revendications à l’adoption ».
L’adoption plénière sera ouverte aux personnes individuelles – sur ce point, le gouvernement n’a pas eu le choix, après avoir été condamné par la Cour européenne des droits de l’homme pour sa position restrictive en la matière. En théorie, une personne homosexuelle aura donc intérêt d’adopter en son nom personnel, se marier ensuite et faire adopter l’enfant par son conjoint. Pour autant qu’elle passe le cap de la « garantie d’une enquête détaillée effectuée par un service social agréé ». Selon Jean-Claude Juncker, la solution proposée respecte les droits de l’enfant. Le gouvernement attend maintenant l’avis de la Commission nationale d’éthique sur ce sujet. En outre, cette réforme ouvrira aussi le débat sur l’accouchement anonyme et le droit de l’enfant à connaître ses origines.
En matière de « modernisation du droit privé », le gouvernement n’a pas oublié de mettre à son compte la réforme du divorce, de l’autorité parentale et de la filiation. Or, pour ces dossiers-là, les travaux parlementaires se trouvent dans la dernière ligne droite et seront bientôt prêts pour être votés. Avec pour complément, l’idée d’introduire la nouvelle fonction de juge des affaires familiales – concept qui sera étudié par le gouvernement.
En ce qui concerne les bonnes intentions des ministres concernant la protection des victimes, le projet de loi renforçant le droit des victimes d‘infractions pénales était à l’ordre du jour hier en plénière – il avait été déposé au parlement en 2003. Le gouvernement annonce aussi que les parties civiles auront le droit de consulter le dossier dès le début de la procédure – une revendication de longue date de la part des avocats, notamment.
Le régime pénitentiaire ensuite. Le bracelet électronique sera plus souvent appliqué aux personnes condamnées à une faible peine privative de liberté pour éviter l’incarcération – le projet-pilote est en cours depuis plusieurs années déjà. D’autre part, le gouvernement récidive quand il persiste à assurer que le placement des mineurs en prison est « une préoccupation majeure » – plus besoin de revenir sur les années gaspillées à attendre la construction d’une Unité de sécurité à Dreiborn, attendue pour 2011. Plus d’une décennie après le début des discussions, le gouvernement déclare sans rire qu’il « prendra toutes les mesures possibles pour éviter ces placements et s’engage à instaurer un centre spécialisé pour assurer une prise en charge adéquate de délinquants mineurs. »
L’élaboration d’un Code pénitentiaire et la modernisation des règles internes des centres pénitentiaires (la procédure législative pour la construction de la maison d’arrêt à Sanem sera bientôt lancée) devront humaniser la prison. Les détenus auront droit à un régime de sécurité sociale. Or, le médiateur Marc Fischbach avait déjà introduit une recommandation dans ce sens-là et avait obtenu pour réponse en août 2008 qu’un projet de loi serait présenté en automne 2008 au Conseil de gouvernement. On l’attend toujours.
Le gouvernement promet en outre une justice moderne, efficace et accessible, rendue possible par la simplification et l’accélération des procédures judiciaires, un accès équitable du public aux juridictions, un recours renforcé aux techniques de l’information et la réduction des frais de justice. Parallèlement, il annonce l’aboutissement des discussions autour du Conseil national de la magistrature, projet lancé par Luc Frieden, le prédécesseur de François Biltgen, suite à une recommandation de l’ombudsman. Ce Conseil sera le « garant de l’indépendance de l’appareil judiciaire », assure le gouvernement.
Or, justement, sur ce point-là, les esprits sont en train de s’échauffer, notamment dans les rangs des magistrats (d’Land du 5 juin 2009), qui seront représentés majoritairement au sein de cette nouvelle institution. Mais eux aussi seront invités à faire des efforts en matière de formation continue et le gouvernement entend proposer « des mesures de sensibilisation des juges aux situations délicates telles que l’abus des enfants, le viol ou la traite des êtres humains ». Du côté du ministère de la Justice, il ne devrait donc pas être très difficile d’afficher « mission accomplie » en fin de période législative avant les prochaines élections législatives en 2014.